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Sur la question du logement, le gouvernement est à contre-courant de la marche européenne

Publié le vendredi 1 février 2019

La question sociale occupe la majeure partie de l’actualité ces derniers mois et le mouvement de révolte populaire qui traverse notre pays est aussi le réveil de ce que l’on peut appeler la France des dépenses contraintes. La nouvelle édition du rapport de la Fondation Abbé Pierre nous rappelle à ce titre que la question du logement est source d’inégalités grandissantes. Selon l’INSEE, la part du logement dans les dépenses des ménages a plus que doublé en 50 ans, passant de 10% en 1960 à 23% en 2015.

Ces moyennes nationales masquent mal une situation encore plus inquiétante dans les zones tendues où le logement se transforme progressivement en bien de luxe chassant les plus modestes du cœur des agglomérations ou, pire encore, offre un terreau favorable au développement de l’habitat indigne. L’Ile-de-France incarne à l’excès cette situation où le foncier et le logement sont tous deux rares et chers, alimentant les inégalités entre générations, entre propriétaires et locataires, entre bénéficiaires de logement sociaux et personnes en errance.

Face à cette situation intenable économiquement et socialement, le gouvernement promettait voilà 18 mois un nouvel élan pour le logement présenté sous la forme du slogan construire, plus, mieux et moins cher. Sous couvert d’un pragmatisme affiché comme valeur cardinale de l’action gouvernementale, nous assistons depuis à une attaque en règle d’un modèle que le monde entier nous envie… et commence même à nous copier !

Où est le pragmatisme lorsque nos voisins européens, Royaume-Uni et Allemagne en tête, investissent massivement dans la construction de logements sociaux après avoir abandonné cette politique il y a trente ans ? Où est le pragmatisme, lorsque la seule solution que l’on propose à la crise du logement est une ponction sans précédent des organismes HLM, en laissant de côté le secteur privé jugé par définition irréprochable ? Où est le pragmatisme, lorsque le gouvernement verse des larmes de crocodile à chaque logement insalubre qui s’effondre, sans s’attaquer aux causes structurelles de ce phénomène qui réside dans la question du logement abordable ? Où est le pragmatisme enfin, quand, pour faire face à ces ponctions menaçant gravement la stabilité financière des organismes HLM, aucune compensation promise ne se met en place, et même pire, les organismes sont empêchés de mettre en œuvre des solutions innovantes ?

Ce pragmatisme, qui n’est qu’une idéologie libérale démodée et démonétisée, nous coûte déjà très cher collectivement. Le « choc d’offre » annoncé se traduit par une baisse de la construction de 7% en 2018 qui vient à la suite d’une baisse des agréments dans le secteur locatif de 9% en 2017. Dans ces conditions, la situation des demandeur.se.s de logements sociaux ne peut s’améliorer.

En la matière, l’action du gouvernement est donc au mieux insuffisante, au pire destructrice. Rappelons que les organismes HLM ne sont pas des « dodus dormants » comme le président de la République l’affirmait encore récemment : ils sont le résultat d’un long et patient investissement de la Nation tout entière, et constituent aujourd’hui notre patrimoine commun.

Sacrifier les logements sociaux sur l’autel d’économies de bouts de chandelle nous affaiblit et nous appauvrit collectivement. Il est encore temps de renouer avec cette belle idée au croisement des enjeux de pouvoir d’achat, de transition écologique et de développement économique et qui fait aujourd’hui progressivement consensus partout en Europe.