Face à l’obscurantisme, soyons fermes, uni.e.s et solidaires
Publié le mercredi 21 octobre 2020
Vendredi dernier, l’horreur a de nouveau frappé. Samuel Paty, enseignant d’histoire-géographie dans un collège des Yvelines, a été assassiné dans des circonstances atroces par un terroriste islamiste, pour avoir simplement fait son métier de professeur, celui de transmettre la connaissance et d’encourager l’esprit critique.
Un hommage national lui a été rendu par le Président de la République ce mercredi soir. Lundi 2 novembre, jour de la rentrée scolaire, il faudra, avec tou.te.s les élèves de France, dans tous les établissements scolaires réitérer ce moment de recueillement. C’est ce que nous devons à ses proches. Le silence de toute une nation est aussi le témoin de la force que nous voulons donner aux missions qui étaient les siennes.
Il aimait son métier, et même si le temps n’est plus aux hussards noirs, nul doute qu’il aurait souscrit aux mots de Jules Ferry, qui préférait que les enfants en sachent peut-être moins par cœur, mais qu’ils comprennent ce qu’ils et elles lisent. C’était un héritier des Lumières qui, comme l’immense majorité des Français.e.s, aimait le débat, la confrontation d’idées dans le respect, le droit de tout remettre en question et de tout critiquer, les travers de la société, les privilèges des puissant.e.s, les dérives de la religion.
Cette Éducation Nationale portée par des professeur.e.s courageux et courageuses, c’est elle qui a fait de moi ce que je suis, et c’est elle qui a été meurtrie.
Alors je le dis sans hésitation et avec force : les idéologies de mort et les individus qui les encouragent doivent être traqué.e.s et combattu.e.s. Les manipulateurs, les mensonges qui les accompagnent doivent être démasqués. C’est évidemment le cas de ces terroristes tenant de l’islamisme radical qui, au nom d’une religion qu’ils salissent, portent un projet politique antirépublicain. Pour cela, nous avons besoin d’un État fort, d’une République solide, qui peut s’appuyer sur une police et une justice disposant des moyens d’assumer cette fermeté.
Cette fermeté, c’est la garantie de pouvoir conserver, en tant que citoyen.ne.s, notre unité. Ne laissons pas un climat malsain et pernicieux s’installer, car c’est aussi ce que les terroristes appellent de leurs vœux et le piège qui est tendu. Je n’accepte pas de voir le débat public s’abaisser au niveau d’Eric Zemmour d’un côté, et à celui des indigénistes de l’autre. Nous méritons un débat qui cherche des solutions et non à mener au « clash » ou au buzz sur les réseaux sociaux
La grande majorité des Françaises et des Français raisonnables ne doit pas céder à l’hystérie du moment, qu’entretiennent quelques-un.e.s avec beaucoup d’arrière-pensées. Quelle est cette République où on ne pourrait plus condamner clairement le terrorisme islamiste sans être qualifié d’islamophobe par les un.e.s, et alerter sur les risques d’amalgame et la réalité des discriminations sans être taxé.e d’islamo-gauchiste par les autres ? Allons-nous rester longtemps prisonnier.e.s d’un débat dont les termes sont posés par les extrémistes de tout poil ? Combien de temps les hommes et les femmes de bonne volonté, largement majoritaires dans notre pays, devront-ils, devront-elles subir les assignations à choisir des camps qui ne sont pas les leurs ? Laisserons-nous en somme les terroristes avoir le dernier mot ?
Par ailleurs, nous devons être fermes sur les symptômes mais aussi intraitables sur les causes profondes qui font le lit de tous les extrémismes politiques. Un État fort, c’est aussi un État qui s’attaque aux causes profondes des fractures de la société : la misère, la ségrégation sociale, les discriminations, la relégation,…
Sanctionner les dérives des réseaux sociaux ? Fermer ou dissoudre les collectifs qui appellent à la haine ? Que l’État prenne ses responsabilités, dans le respect d’un droit qui le permet largement aujourd’hui.
Mais ce ne peut pas être la seule réponse ni la seule prise de conscience. Car en tant que Président du Département de la Seine-Saint-Denis, je le constate : la République a trop souvent délaissé ses missions, trahi ses promesses, creusant le terreau fertile propice aux dérives et à la récupération par les pires charognards.
Avec deux fois moins d’officier.e.s de police judiciaire en Seine-Saint-Denis qu’à Paris, et une justice qui met deux à trois plus de temps à traiter les affaires, quels sont les résultats ? L’existence d’une délinquance dont les porosités avec les milieux radicalisés ne sont plus à démontrer. C’est aussi en renforçant la police et la justice sur ses missions de droit commun qu’on lutte contre le terrorisme.
Avec des commissariats vidés, en attente pendant des années de postes promis, c’est une police qui n’est plus respectée, c’est la dégradation des relations entre les habitant.e.s et les forces de l’ordre, dans un climat de tension exacerbé par les pénuries, et ce sont des quartiers qui ont peur.
Avec des hôpitaux et des centres de santé qui manquent de tout, personnel, moyens, c’est le signe que la République n’assure plus l’égalité.
Enfin, avec une école et des enseignant.e.s qui souffrent, c’est la génération future que nous abîmons. L’école publique doit retrouver la place centrale qu’elle mérite dans la société. Il est trop facile de demander chaque fois à l’École d’être en première ligne sur le front des valeurs républicaines, si la République, elle, ne soutient plus suffisamment son école.
Chaque année, nous sommes nombreuses et nombreux à demander que le nombre de professionnel.le.s de l’Éducation Nationale soit augmenté, que les salaires des personnels soit revalorisés convenablement, et année après année, on nous répond : rationalisation, heures supplémentaires. Voilà aussi les urgences.
Ce n’est pas une polémique, ce n’est pas une accusation, c’est un constat qui ne peut pas rester sans réponse, et à la place qui est la mienne, je veux participer concrètement et financièrement à soutenir au quotidien les équipes éducatives.
Chaque année déjà, le Département de la Seine-Saint-Denis supporte des centaines de projets dans les collèges, et notamment des résidences de journalistes, et des ateliers avec des dessinateurs et dessinatrices de presse. Je souhaite donner un élan nouveau à ces parcours, en réunissant les partenaires de l’éducation, des artistes et des journalistes, comme Plantu qui préside au dispositif « Cartooning for peace », afin que dans chaque collège, nous puissions proposer ces ressources aux enseignant.e.s, dans le respect de la liberté pédagogique.
La République ne doit pas se défendre, elle doit passer à l’offensive, avec ses armes. Ces armes, les nôtres, c’est la liberté, notamment d’expression ; c’est l’égalité, concrète et garantie par les services publics, sur tout le territoire de la République ; c’est enfin la fraternité, celle d’un peuple uni et solidaire face à l’obscurantisme.
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