Parcoursup est une trappe, pas un tremplin
Publié le vendredi 3 juin 2022
Jeudi 2 juin, au premier jour d’ouverture des résultats sur Parcoursup, un jeune inscrit sur deux n’aura pas reçu de proposition d’affectation pour poursuivre des études dans l’enseignement supérieur, selon toute vraisemblance et comme les deux années précédentes. Une triste réalité devenue une terrible habitude.
« Votre place est dans la file d’attente ». Voilà, en somme, ce qu’annonce la plateforme nationale à plusieurs centaines de milliers de lycéennes et lycéens, dont les jours à venir seront surtout synonymes de déception et de crainte. Avec la nouvelle plateforme de Parcoursup, peu importe la motivation ou le choix de l’orientation pour toute une vie, ce qui compte désormais est un classement incompréhensible pour les élèves comme pour les parents.
Jeunesse sommée d’attendre
A la violence de l’algorithme, dont nous sommes nombreux à continuer de réclamer depuis le début la transparence des critères s’ajoute ainsi l’angoisse d’une procédure trop lente, où toute une moitié de la jeunesse est sommée d’attendre que la moitié la « mieux classée » fasse ruisseler le rebut des choix dont elle n’aura pas voulu.
La Seine-Saint-Denis n’est pas épargnée. Combien d’élèves y ont déjà intégré, malgré eux, l’idée qu’un « 16 » dans leur lycée ne peut pas valoir un « 16 » à Paris ? C’est aussi le cas dans de nombreux autres territoires populaires, déclassés, périphériques, où les élèves savent que leurs souhaits seront sans doute contrariés, quand bien même il faut justifier en 120 mots de son 10e choix de formation comme s’il était le premier. Quand bien même cela concerne une filière non sélective de l’université !
Voilà l’absurdité d’un système devenu le symbole de la politique éducative menée sous le premier mandat d’Emmanuel Macron, et où tout est une affaire de compétition intégrale et aveugle. Qu’importent finalement les envies et les projets de formation de centaines de milliers de jeunes, au moment même où leur avenir se construit, et alors même que cet avenir représente aussi celui de notre pays.
L’orientation choisie doit être la règle
L’abandon d’un système éducatif censé donner sa chance à chacun et permettre la progression sociale au profit d’un système qui reproduit les inégalités est inexcusable. Il accompagne la réduction critique et continue des moyens alloués aux universités. Ce manque de moyens publics dont ceux qui les décident se servent ensuite pour justifier, plein de cynisme, que non, tout le monde ne peut pas avoir une place pour faire des études supérieures.
Les choses peuvent être différentes à condition de s’en donner les moyens. L’orientation choisie doit être la règle. Le baccalauréat doit donner accès à la filière de son choix. L’accès à une formation diplômante après le bac doit devenir l’horizon de la grande majorité d’une classe d’âge. Il est urgent de mettre les moyens pour inverser la courbe de la reproduction sociale dans l’enseignement supérieur. Ne laissons pas croire que Parcoursup est un outil d’orientation quand il est un gestionnaire de la pénurie de places.
Il n’y a pas de fatalité à ce que le passage vers le système éducatif supérieur fonctionne comme une trappe. Faisons-en un tremplin !
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