Dévoilement de l’œuvre « Le Vigilant » de Rachid Koraïchi pour la fête nationale de l’Algérie
Publié le mercredi 2 novembre 2022
A l’occasion de la fête nationale de l’Algérie célébrée hier, lundi 1er novembre, j’ai dévoilé en présence de Dominique Dellac, du Consul d’Algérie, de l’Ambassadeur d’Algérie, de l’artiste Rachid Koraïchi, et de Yasmina Bédar, cousine de Fatima Bedar, la sculpture « Le Vigilant » à côté de la maison du parc Victoria Montou, à Georges-Valbon.
Rachid Koraïchi a fait don de son œuvre « Le Vigilant » au Département de la Seine-Saint-Denis. Une œuvre dédiée au souvenir de toutes les personnes algériennes et françaises qui ont combattu pour l’indépendance de l’Algérie.
Retrouvez mon discours prononcé à cette occasion.
Quelle joie et quel honneur de dévoiler aujourd’hui l’œuvre de Rachid Koraïchi dans notre beau parc Georges Valbon !
Je voudrais tout d’abord vous remercier, cher Rachid Koraïchi, au nom des habitantes et des habitants de la Seine-Saint-Denis, de nous faire don de cette œuvre monumentale. Je voudrais remercier aussi avec force Dominique Dellac, sans la détermination de laquelle nous ne serions sans doute pas réunis aujourd’hui.
Ce n’est pas tous les jours que nous avons la chance d’inaugurer la création d’un artiste à la renommée internationale ! Vous qui avez des œuvres disséminées aux quatre coins du monde, vous voilà maintenant en Seine-Saint-Denis, et qui plus est avec une œuvre chargée symboliquement.
Merci pour ce témoignage d’amitié, qui est aussi la marque des liens forts qui unissent l’Algérie à la France, et plus particulièrement à notre département, où la communauté franco-algérienne est nombreuse.
Je reviens justement d’un voyage en Algérie, dans le cadre des projets de coopération décentralisée que le Département y mène. J’ai pu mesurer la force, l’intensité de nos relations, fruit d’un passé commun, certes douloureux, mais aussi des attaches familiales qui nous relient de part et d’autre de la Méditerranée. J’en profite pour remercier le Consul qui a facilité l’organisation et le bon déroulement de ce déplacement.
Nous avons choisi de dévoiler cette oeuvre le 1er novembre, jour de fête nationale en Algérie.
Cette date est celle du début de ce que l’on a appelé pendant longtemps en France, par une malheureuse périphrase, « les évènements d’Algérie », pendant que de l’autre côté de la Méditerranée, elle marque le déclenchement de la révolution.
A travers l’évolution de la sémantique, nous voyons bien que des mémoires antagonistes se sont construites, des mémoires blessées par l’oubli, par le déni, par l’occultation de faits tragiques.
Notre devoir aujourd’hui est de regarder en face cette histoire, de faire la lumière sur les zones d’ombre, de rétablir les faits dans leur gravité mais aussi dans leur complexité.
C’est un impératif de vérité que nous devons aux morts qu’il y eut des deux côtés, aux générations passées comme aux générations actuelles, pour avoir un regard plus apaisé sur cette page tragique de notre histoire commune.
C’est de surcroît un impératif dans un département où nous avons de nombreux militants de l’indépendance qui se sont engagés au péril de leur vie, où beaucoup de familles d’origine algérienne portent encore dans leur chair, dans leur souvenir, les meurtrissures de cette histoire.
C’est pourquoi dès 2018, la Seine-Saint-Denis a été le premier Département à lancer un cycle de commémoration départementale des événements du 17 octobre 1961.
Le 17 octobre dernier, nous étions ainsi à Aubervilliers, devant la fresque « 17 ensemble », qui rend hommage aux victimes de la répression et en particulier à la jeune Fatima Bedar, dont je tiens à saluer vivement la mémoire comme Yasmina Bedar le fera dans quelques instants.
J’ai la conviction que l’heure est venue d’engager une démarche collective, plus large, de reconnaissance de notre passé colonial en Algérie.
L’État doit aussi être au rendez-vous. Le premier pas avait été fait par François Hollande, qui avait parlé en 2012 des « souffrances de la colonisation », avec notamment les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, et reconnu l’usage de la torture dans les rangs français, et la répression sanglante du 17/10/1961.
Le second a été fait par Emmanuel Macron avec la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans la mort de Maurice Audin, militant de la décolonisation assassiné par l’armée française.
A présent, il nous faut aller au bout de la démarche. Instaurons, comme je le demande depuis des années, une journée nationale de commémoration de la guerre d’Algérie et des crimes de la décolonisation.
Ce n’est pas faire acte de repentance, de contrition. C’est simplement un devoir de vérité. Car c’est à partir d’un passé expurgé de ces non-dits, de ces dénis, que nous pourrons recoudre les mémoires déchirées, que nous pourrons avancer vers plus de cohésion et d’unité.
C’est aussi affirmer haut et fort qu’une autre France que celle de Papon a toujours été là, la France de Maurice Audin ou de l’intellectuel François Mauriac dénonçant la torture, et que notre pays se perd lorsqu’il trahit ses idéaux de justice et d’universalisme républicain.
Nous devons rester vigilants pour que plus jamais ne se reproduisent ces errements.
Aujourd’hui, ce combat est plus que jamais d’actualité contre celles et ceux qui préfèrent le mensonge, l’invective, et l’insulte plutôt que la vérité et le dialogue. Il suffit de voir les réactions ubuesques qu’a provoquées au sein de la « fachosphère », au sein de l’extrême-droite, une de mes interviews dans un média algérien, où je portais simplement ce message de devoir de vérité et où je rappelais la réalité de notre pays aujourd’hui, qui est divers, métissé, où j’affirmais la réalité et la force de son identité plurielle.
Ces réactions épidermiques disent au fond une chose : ces gens-là cherchent à monter les Français les uns contre les autres, ils ne défendent pas la France que nous aimons, celle basée sur l’universalisme républicain, ils ont une conception étriquée de notre nation, une vision rance et raciste de notre pays, une vision qui, nous l’avons vu par le passé, a pu égarer certains du mauvais côté de l’Histoire. Ce que je souhaite, surtout, c’est que nous soyons unis, aujourd’hui, non pas seulement par les différents peuples qui ont fait la France et qui la feront demain mais par la mémoire que nous partageons et les valeurs que nous portons.
« Le Vigilant », c’est le nom de l’œuvre que nous dévoilons aujourd’hui.
Vigilant pour garder le souvenir de ces femmes et de ces hommes, souvent modestes, qui combattirent pour la liberté et l’indépendance de l’Algérie. Ce n’est d’ailleurs pas totalement un hasard si cette oeuvre aura pour voisine la maison du Parc, qui porte le nom de Victoria Montou, héroïne de l’indépendance en Haïti !
Vigilant donc pour ne pas oublier l’engagement de ces femmes et de ces hommes, Français comme Algériens, pour la décolonisation.
Vigilant aussi à ce que les mémoires ne soient ni en concurrence ni en rivalité mais qu’elles coexistent.
Le Vigilant, ici dans ce parc départemental, c’est enfin l’illustration d’une politique que nous portons fortement au Département : l’Art dans l’espace public.
De l’Art pour voir autrement notre département, de l’Art qui rend beau, qui permet de partager ensemble des émotions.
De l’Art à la portée de toutes et tous donc, parce que l’émerveillement, l’élargissement de ses horizons, ont toute leur place au cœur de la Cité et ne sauraient être réservée à une minorité d’initiés, de privilégiés.
De l’art enfin, pour nous aider à marcher ensemble vers une mémoire apaisée, à commémorer ensemble et à dialoguer comme ici.
C’est en tout cas le destin que je souhaite à cette création magnifique. Merci encore à Rachid Koraïchi et merci à toutes et tous pour votre présence aujourd’hui.
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