80ème congrès du Parti Socialiste – mon intervention
Publié le mardi 31 janvier 2023
A l’occasion du 80ème congrès du Parti Socialiste, je me suis rendu à Marseille le week-end dernier. J’ai notamment pu y prononcer le discours que vous pouvez retrouver ici.
Chers amis, Chers camarades,
Disons le : en regardant vos visages souriants et apaisés, je vois que nous sommes heureux parce, face au psychodrame de ces derniers jours, nous avons choisi collectivement l’unité et le rassemblement. Mais soyons lucides : le chemin est encore long. Nous sommes ici un peu dans une bulle car à l’extérieur, nos querelles elles sont insignifiantes pour nos concitoyens.
Insignifiantes pour nos concitoyens qui comptent et qui recomptent deux fois, trois fois… leur ticket de caisse.
Insignifiantes pour les artisans asphyxiés par la flambée des prix de l’électricité.
Insignifiantes pour les femmes qui savent que la réforme des retraites sera encore plus injuste pour elles.
Alors, nous devons comprendre que, lorsque la gauche est affaiblie, notre pays n’a plus le choix qu’entre le statu quo macroniste, libéral, dévastateur, ou l’extrême-droite qui se nourrit de la dévastation. Ce choix, qui n’en est pas un, nous devons le refuser de toute nos forces ! Parce que nous savons que lorsque nous coulons, d’autres se laissent porter par le courant.
Et nous savons vers quoi il mène. Nous le répétons maintenant toutes et tous comme une évidence : l’arrivée de l’extrême-droite au pouvoir n’est plus une chimère. Les esprits y sont d’ailleurs préparés, par une banalisation de la parole raciste qui a de plus en plus de tribunes médiatiques pour se répandre, qui gagne une partie croissante des élites, qui se libère de manière toujours plus décomplexée.
Cette banalisation, c’est le silence assourdissant qui a accompagné les propos délirants de Michel Houellebecq, appelant à « chasser » tout bonnement les musulmans. Cette banalisation, c’est la polémique indigne qu’a déclenché l’interview de l’acteur Omar Sy, attaqué non pas pour ce qu’il dit, mais pour ce qu’il est, pour ce qu’il représente et qui sera toujours, pour certains, entouré d’un halo de soupçon : un Français, noir, musulman, issu de l’immigration.
Je nous mets en garde collectivement : jamais nous ne devons faiblir dans le combat antiraciste ! C’est la responsabilité historique de la gauche, c’est la responsabilité du Parti socialiste, c’est la responsabilité de chacune et chacun d’entre nous ! y compris dans nos propres comportements individuels que nous avons subis dans ce congrès en Seine-Saint-Denis par exemple.
Mais le combat sur le terrain moral, aussi essentiel soit-il, n’est pas suffisant.
Il peut même sonner creux aux oreilles de certains de nos concitoyens, là où la gauche a perdu pied parce qu’elle n’a pas su protéger nos concitoyens de la désindustrialisation, des ravages de la mondialisation, du déclassement. Là où l’extrême-droite guette ceux qui, par colère, par désespoir ou par adhésion, sont désormais prêts à plonger à leur tour dans son abysse.
Face à ce constat, nous avions un choix clair à faire.
Continuer de perdre pied jusqu’à nous noyer définitivement dans nos chamailleries d’incarnation ou de casting.
Ou, comme nous l’avons décidé, donner une impulsion pour remonter à la surface. Sortir la tête de l’eau pour se reconnecter au quotidien des Françaises et des Français. Ecouter la société mobilisée qui agit et qui pense déjà à côté de nous. Reconstruire un projet, comme le disait Jaurès, qui part du réel et tend vers l’idéal.
Un projet qui parle à nouveau aux catégories populaires, où qu’elles soient, un projet qui incarne une rupture, mais une rupture crédible, d’une radicalité tenable. Un projet qui redonne comme espoir de faire en commun, de vivre en commun, de réussir en commun !
Pour y parvenir, je ne connais qu’une seule méthode : nous mettre au travail ! Ensemble ! Reprendre notre bâton de pèlerin, avec toute la détermination, l’humilité mais aussi la patience que cela implique. Je sais qu’Olivier Faure, notre Premier secrétaire, à la volonté d’emprunter ce chemin. Alors, cheminons ensemble à ses côtés !
Pour y parvenir, je ne connais qu’un seul outil : la République ! Cette République dont nous avons pour mission, à gauche, qu’elle soit sociale et écologique afin que ses piliers ne vacillent pas pour de bon.
Les défis sont immenses.
- Je pense d’abord à la question du travail. Je vois les victimes toujours plus nombreuses de cette résurgence du travail à la tâche, ces nouveaux esclaves de l’ubérisation. Qu’avons-nous à leur offrir quand notre code du travail ne leur garantit plus ni droits ni protection ? Qu’avons-nous à proposer aux auxiliaires de vie, aux caissières, aux manutentionnaires, aux caristes, ces métiers de seconde ligne qui, à Marseille comme à Saint-Denis, ont tenu le pays pendant la crise mais sont toujours aussi mal payés, aussi mal considérés ?
- Je pense aussi à la question fondamentale de la répartition des richesses. Comme vous, j’ai vu les chiffres indécents, vertigineux du dernier rapport d’Oxfam. 200 milliards d’euros de plus pour les 42 milliardaires français depuis le début de l’année 2020, alors que nous sommes censés être en crise ! Qu’attendons-nous pour repenser la question de l’impôt, si essentielle pour s’attaquer aux inégalités à la racine ?
- Le moment est venu de taxer les ultra-riches » : voilà ce que nous disent eux-mêmes 200 millionnaires dans leur appel en marge du Forum de Davos. A quel point de rupture sommes-nous donc arrivés pour que même les plus riches s’inquiètent désormais des conséquences de leur sécession sur la viabilité de notre société ?!
- Comme président de la Seine(Saint-Denis, je pourrais aussi parler de l’Education, pilier de la promesse républicaine, pourtant devenue aujourd’hui une machine à reproduire les inégalités sociales. Allons-nous continuer d’accepter que seul un étudiant sur 10 soit un enfant d’ouvriers alors qu’ils représentent 30% des 18/23 ans ? Après avoir porté l’ambition que 80% d’une classe d’âge ait le Bac, voilà un des nouveaux combats dont la gauche doit se saisir.
Sur l’ensemble de ces défis, comme sur bien d’autres, je reste convaincu que le Parti socialiste a une voix singulière à faire entendre, et que nous devons pour cela nous lancer corps et âme dans un travail de fond, en harmonie avec nos partenaires politiques et toute la société mobilisée. Un travail inlassable pour construire les solutions d’une gauche non pas DE gouvernement mais AU gouvernement.
Face aux vulnérabilités, sociales et climatiques, il existe toujours un espace pour construire des réponses de gauche. Cet espace c’est un espoir, celui de changer la vie. C’est un rempart, pour stopper l’extrême droite dans sa course vers le pouvoir.
Alors, chers camarades, puisqu’on nous disait morts pour de bon, n’ayons peur de rien ! Nous avons tout à gagner ! Soyons de nouveau ceux qui osent, ceux qui proposent, ceux qui surprennent !
Soyons là où on ne nous attend pas, là où on ne nous attend plus, mais pourtant là où tout se joue !
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