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Lutte contre les violences faites aux femmes : le Département pionnier

Publié le mardi 26 novembre 2024

Retrouvez le discours que j’ai prononcé lors des 20èmes rencontres « Femmes du monde en Seine-Saint-Denis ». J’y rappelle le rôle pionnier du Département dans la mise en oeuvre de solutions efficaces, comme le « téléphone grave danger », et la nécessité d’une action plus globale pour casser le continuum des violences faites aux femmes.

« Mesdames et messieurs,

C’est toujours pour moi un grand honneur d’introduire ces rencontres « Femmes du monde en Seine-Saint-Denis » devant, encore une fois, tant de personnes !

Je tiens à saluer la fidélité des professionnels qui viennent toujours aussi nombreuses et nombreux à ces rencontres de l’Observatoire. Votre constance dit quelque chose de fort : c’est la volonté tenace, sans faille, des professionnels à lutter contre les violences faites aux femmes.

Alors, si cette rencontre s’appelle « Femmes du monde en Seine-Saint-Denis », plus que jamais, cette année, elle mérite cet intitulé.

Car pour cette 20ème édition, nous mettons à l’honneur des invités, des personnalités, d’Afrique, d’Amérique latine et de Palestine, représentant les collectivités qui s’engagent dans le projet « pour des territoires protecteurs des femmes victimes de violences ».

Je remercie chaleureusement ces élus d’avoir fait un si long chemin pour être parmi nous aujourd’hui. Avec Pascale Labbé, nous sommes fiers d’accueillir, demain et jeudi, le séminaire qui marque l’aboutissement de trois années de travail autour de ce projet international, mais aussi le début d’un nouveau chapitre de coopération. Nous sommes fiers également que la charte internationale de lutte contre les violences faites aux femmes soit proclamée ici, en Seine-Saint-Denis.

Mais cette rencontre se tient aussi dans un monde en proie aux tourmentes. Nos pensées se tournent naturellement aujourd’hui vers le drame effroyable que vivent les populations civiles palestiniennes à Gaza mais aussi – ne l’oublions pas ! – en Cisjordanie où la colonisation se poursuit avec son lot quotidien d’exactions.

Une actualité récente, dans le flot d’informations terrible qui nous parvient, devrait toutes et tous ici en France nous révolter : le Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a récemment révélé que près de 70 % de ces victimes de la guerre à Gaza sont des enfants et des femmes. Cette folie doit cesser, et nous continuerons à réclamer de toutes nos forces un cessez-le-feu immédiat.

Je veux saluer le courage inouï de ces femmes là-bas, qui luttent pour organiser la vie, ou plutôt la survie, dans des conditions inhumaines. Et j’en profite pour saluer le formidable travail réalisé par l’Observatoire de Jenine, dirigé par Maysoun Dawoud, qui continue sans relâche ses actions pour les femmes victimes de violences. Le Maire de Jenine, Hakam Zakarna, qui devait être parmi nous aujourd’hui, n’a finalement pas pu faire le déplacement mais je tiens à lui faire part de notre soutien en ce moment si éprouvant.

Alors, cette rencontre est l’occasion de rappeler à chaque fois – au risque de rabâcher ! – que la SSD, avec son observatoire créé en 2002, est engagée de longue date dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Mais je crois aux vertus de la répétition, qui plus est quand il faut marteler la nécessité de lutter contre les inégalités femmes-hommes !

C’est aussi à chaque fois l’occasion de saluer Ernestine Ronai et toute l’équipe de l’Observatoire pour leur engagement infatigable, pour leur action si déterminée et si efficace.

Car l’Observatoire, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, n’est pas un endroit où l’on se contente d’observer, d’étudier, d’analyser le phénomène des violences faites aux femmes. C’est un lieu où l’on agit, où l’on met les mains dans le cambouis, où l’on invente de vraies solutions. 

Et pas n’importe quelle solution : des solutions pionnières, décisives, qui sont ensuite reprises au niveau national. Parce qu’elles changent concrètement la vie des femmes, et même parce qu’elles leur sauvent la vie.

N’y voyez pas ici de la fanfaronnade ou de l’exagération ! Deux nouvelles études qui vous seront présentées aujourd’hui montrent l’impact réel, quantifié, des mesures qui ont été élaborées et expérimentées grâce à l’Observatoire.

Je pense à la mesure d’accompagnement protégé, mise en place en SSD, et reprise au niveau national. Grâce à cette mesure, aucune femme n’a été tuée en Seine-Saint-Denis entre 2018 et 2023 lors de l’exercice du droit de visite du père violent conjugal. Lors de la précédente étude de 2009, cela représentait 1 féminicide sur 2 dans le département !

Je pense au téléphone grave danger, mis en œuvre pour la première fois en SSD à l’initiative de notre Observatoire. Et bien oui, cet outil sauve des vies ! Ce sont près de 1500 personnes, femmes et enfants mineurs confondus, qui ont été protégées en SSD en 15 ans grâce à lui.

Evidemment, l’Observatoire n’est pas seul : je veux saluer l’ensemble de nos partenaires – le tribunal de Bobigny, les services de police, les associations – avec qui des liens forts de coopération et de confiance se sont noués.

Malgré ce travail, malgré le travail des nombreuses associations, que je remercie ici pour leur implication, il reste encore beaucoup à faire.

C’était le message fort envoyé ce week-end par la marche organisée par le collectif « Nous toutes ».

Depuis le début de l’année, on dénombre 122 féminicides. C’est 122 de trop. Toutes et tous, collectivement, nous devons faire plus pour mieux protéger les femmes.

En 2023, ce sont 271 000 victimes de violences conjugales qui ont été enregistrées par la police et la gendarmerie. C’est 10% de plus par rapport à 2022. Certes, la libération de la parole joue son rôle, mais cette hausse doit nous interpeller et nous exhorter à agir.

Nous devons allez aller plus loin, dans la prévention, le repérage et la prise en charge des violences. Je sais qu’Ernestine et l’Observatoire portent un principe de précaution pour installer une véritable culture de protection des victimes.

Le nerf de la guerre, nous le savons, ce sont les moyens humains et financiers. Je crains malheureusement que nous soyons encore loin du compte. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit 85 millions d’euros alloués à l’égalité femmes/hommes quand la Fondation des femmes estime qu’il en faudrait 2,6 milliards d’euros.

Car en réalité, c’est contre un immense continent qu’il faut lutter, avec ses parties parfois invisibles, plus souterraines : ce continent, c’est celui de la domination masculine, qui imprègne l’ensemble de notre société.

Le drame effroyable qu’a vécu Gisèle Pélicot en a été un brutal rappel. Cette affaire n’est pas un fait divers « hors-normes ». C’est le miroir grossissant de ce quelque chose qui cloche dans les rapports femmes/hommes et qui fait système.

C’est pourquoi, et je reprends les mots de l’écrivaine Lola Lafon, qui a écrit une très belle chronique à ce sujet : ne faisons pas de Gisèle Pélicot « une martyre, une de ces icônes muettes au regard baissé qu’on aime à célébrer et à plaindre ». Mais au contraire, inspirons-nous de son courage, et faisons un « boucan monstrueux, inoubliable, durable », pour que, et je reprends là les mots de Gisèle Pélicot : « cette société machiste et patriarcale qui banalise le viol ouvre enfin les yeux ».

J’espère que des évènements comme aujourd’hui participent de ce boucan.

Encore une fois, merci à toutes et tous pour votre présence. »