Ma tribune dans le JDD : « Montrons que les banlieues sont la France »
Publié le samedi 24 octobre 2015
TRIBUNE – Stéphane Troussel, président PS du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, se refuse, à l’occasion du 10e anniversaire des émeutes dans les banlieues, à ce que son département « soit encore montré du doigt ».
Il y a 10 ans, deux adolescents mourraient dans d’atroces conditions à Clichy-sous-Bois, cette tragédie insupportable fut le déclenchement de violence pour crier à la société le sentiment d’injustice que peuvent ressentir les jeunes de Seine-Saint-Denis. Trop souvent, encore aujourd’hui la banlieue est dénigrée, elle ne se réduit pas au portrait caricatural que fabriquent et nous délivrent certains médias et certains politiques. D’aucuns ont même tenté de la culpabiliser prétendant que cette banlieue ne serait pas la France. La France d’aujourd’hui n’est pas à l’image irréelle d’Amélie Poulain. N’en déplaise à quelques-uns, les banlieues c’est la France d’aujourd’hui et de demain !
En cette triste date anniversaire, nous refusons que notre département soit encore stigmatisé et montré du doigt. Mais au contraire que l’on prenne enfin les mesures nécessaires à la lutte contre les discriminations et à l’égalité républicaine.
Claude Dilain disait, il y a 10 ans : « Une explosion, c’est la rencontre entre une étincelle et une poudrière ». Dans les commentaires qui ont suivi ces événements, on a beaucoup, quelquefois trop, parlé de l’étincelle. Qu’est-ce que c’est que cette poudrière ? Ce sont des quartiers ou même des villes entières, où une population concentre tous les problèmes sociaux de la société. Des jeunes et des moins jeunes qui nous entendent parler tous les jours d’égalité, de fraternité, mais qui tous les jours vivent l’injustice sociale et l’inégalité, injustice sociale et inégalité à l’école, au logement, dans la recherche d’un emploi.
« Pour grimper dans l’échelle sociale, et s’extirper d’un milieu stigmatisé, encore faut-il réussir à briser un plafond de verre qui demeure trop souvent »
Depuis, les services publics réinvestissent le département. L’amélioration des conditions de vie des citoyens des quartiers passe par des symboles forts tels que des investissements massifs dans les transports publics, dans le secteur culture ou encore dans l’éducation. Qu’il s’agisse du domaine économique, sanitaire, social ou scolaire, la Seine-Saint-Denis change ! Mais il reste beaucoup à faire et il n’est plus temps d’attendre !
Il existe une Seine-Saint-Denis dont on ne parle pas encore ou trop peu.
Qui sait que la Seine-Saint-Denis voit la naissance de 15 000 entreprises chaque année ?
Qui sait que la Seine-Saint-Denis possède un observatoire unique en France consacré aux violences envers les femmes ?
Qui sait que la Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune de France et surtout, qui parle de la force que cela représente ?
Qui met en avant la richesse et la force d’avoir dans un département plus de 170 nationalités différentes ?
Qui parle de la création culturelle en plein essor en Seine-Saint-Denis ?
Qui parle des talents, des créateurs, des militants associatifs de la Seine-Saint-Denis ?
Nous ne nions pas les difficultés, nous les combattons tous les jours.
Mais pour grimper dans l’échelle sociale, et s’extirper d’un milieu stigmatisé, encore faut-il réussir à briser un plafond de verre qui demeure trop souvent. Alors que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme a été érigée cette année en tant que grande cause nationale La discrimination peut prendre différentes formes et différents visages : discrimination à l’adresse sur le CV, contrôle au faciès, discrimination liée au sexe… L’attentisme en la matière ne peut plus durer, la loi de lutte contre les discriminations est une urgente nécessité et doit être à la hauteur des enjeux, il doit être apporté des réponses concrètes à ce mal qui ne cesse de faire des victimes, en banlieue comme ailleurs.
« Donner le même accès à la formation et aux études aux jeunes de Seine-Saint-Denis qu’aux jeunes parisiens »
Nous n’oublions pas que la montée du Front national se fait, là où nous abdiquons. Ils combattent sur le champ des valeurs, nous devons répondre en portant fièrement nos valeurs !
Une autre revendication mais non des moindres : un avenir ambitieux pour la jeunesse. En tant que département le plus jeune de France, la Seine-Saint-Denis est en droit de dresser un bilan des actions en direction de cette population. Nous voulons ouvrir le champ des possibles des jeunes de Seine-Saint-Denis. Il n’est pas tolérable, qu’à Paris lorsqu’un collégien rêve d’être médecin, dirigeant d’entreprise, ou encore élus de la République, les réponses soient fac de médecine, HEC, Sciences Po, ou l’ENA… et qu’au même jeune en Seine-Saint-Denis, la réponse unique soit « je crois que cela ne va pas être possible… »
Les mesures prises par l’Education nationale vont dans le bon sens mais il faut aller plus loin, et donner le même accès à la formation et aux études aux jeunes de Seine-Saint-Denis qu’aux jeunes parisiens.
Malgré les clichés qu’on leur impose sur leur lieu d’habitation, 54% des habitants issus de la Seine-Saint-Denis sont optimistes pour leur département, alors qu’ils sont 42% à avoir confiance en l’avenir de la société française. De même, 62% des habitants de la Seine-Saint-Denis se disent confiants pour leur avenir [Source : chiffres CSA].
Alors nous demandons à l’ensemble des responsables politiques, médiatiques et économiques de les entendre et de leur donner raison, d’avoir confiance en l’avenir, en valorisant leur talent, en investissant pour et avec eux. De montrer qu’ils sont une fierté pour la France, qu’ils sont la France.
Pour lire cette tribune sur le JDD.fr : http://www.lejdd.fr/Politique/Le-president-PS-de-Seine-Saint-Denis-Stephane-Troussel-Montrons-que-les-banlieues-sont-la-France-756677
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