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Entretien avec Le Nouvel Economiste : « La France de demain, elle est déjà en Seine-Saint-Denis »

Publié le mercredi 30 mars 2016

A la tête d’un département qui affronte de vraies difficultés économiques et sociales, le président socialiste du 93 préfère mettre en avant les atouts géographiques et démographiques du 93. Son principal combat ? Que le développement du territoire serve aussi le développement des habitants du territoire.

 À tous ceux qui ont une image négative du “93”, le patron du département réplique vertement que la Seine-Saint-Denis n’est pas le miroir déformant de la France, mais au contraire son miroir prospectif. Il suffit de prendre conscience de la très large biodiversité économique de ce territoire, qui a abrité l’an dernier 17 000 créations d’entreprises, pour comprendre son dynamisme. Ce prisme positif n’empêche pas le président du conseil départemental de regarder en face les difficultés économiques. Il souligne, par exemple, qu’il doit gérer le double d’allocataires du RSA que son voisin des Hauts-de-Seine. Son combat est celui de l’égalité territoriale : il milite pour que le pays “pense à la manière dont il affecte ses ressources”. Ce qui s’accompagne d’une vision “gauche plurielle”, que ce militant socialiste aimerait bien arriver à arrimer sur son territoire. Lucide sur le trop-plein d’échelons institutionnels en Ile-de-France – il y en a cinq –, il “enfonce” la toute nouvelle Métropole du Grand Paris et plaide pour le département qui a pour atout maître l’élection au suffrage universel direct. Stéphane Troussel insiste également sur la bonne gestion de son budget et espère que la négociation avec Matignon pour la compensation par l’État du coût croissant du RSA sera équilibrée.

Propos recueillis par Jean-Michel Lamy // Article publié sur Le nouvel économiste

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Quand on a la chance d’être le département le plus jeune de France métropolitaine dans un pays et dans un continent qui sont en train de vieillir, je considère que pour l’avenir de ce territoire, pour l’avenir du Grand Paris, pour l’avenir de l’Ile-de-France, pour l’avenir peut-être même du pays tout entier, tout est en train de se jouer là.

“Pour l’avenir du Grand Paris, pour l’avenir de l’Ile-de-France, pour l’avenir peut-être même du pays tout entier, tout est en train de se jouer là”

On est un territoire très près de Paris, on est un territoire où il y a du foncier disponible, on est un territoire où on a deux aéroports entre Le Bourget et Roissy, nous avons des universités, on a la jeunesse de la population, une population venue de partout. Une capacité de mobilité et une ouverture au monde que peu de territoires possèdent de cette manière. Je considère que cela donne des atouts considérables.

La dynamique actuelle

Il y a un an et demi, peut-être deux ans, un article est sorti avec une interview du directeur de l’établissement public de la Défense avec pour titre “Nous ne craignons pas la concurrence de la Seine-Saint-Denis”. Quel aveu formidable ! Vous imaginez, il y a 15 ans, le responsable de la Défense dire une chose pareille ? C’était impossible ! On n’existait pas. Maintenant, il est obligé de se positionner par rapport à nous…

Quand vous regardez les stratégies des grands groupes, quand vous regardez leurs installations lorsqu’ils ont besoin de quitter le centre de Paris, c’est en Seine-Saint-Denis qu’ils s’installent. Veolia, Orange, SNCF, Ubisoft, Vente Privée… c’est en Seine-Saint-Denis qu’ils s’installent. Quand la France organise un grand événement international comme la COP 21, c’est au Bourget qu’il se fait. Quand la maire de Paris décide de porter la candidature de la capitale pour les Jeux olympiques, c’est avec la Seine-Saint-Denis que le choix se fait. C’est en Seine-Saint-Denis qu’il y aura le village des athlètes, le village des médias, qu’il y aura bien sûr le Stade de France pour la cérémonie d’ouverture et de clôture, la piscine olympique, entre autres équipements. Oui, c’est bien là où tout se joue pour l’avenir du Grand Paris.

“Les grands groupes, lorsqu’ils ont besoin de quitter le centre de Paris, c’est en Seine-Saint-Denis qu’ils s’installent”

C’est un département jeune, populaire, marqué par la diversité, et donc d’une énergie incroyable. Alors bien sûr qu’il faut faire face aux défis liés à la jeunesse de la population. Mais il y a des départements de France qui se demandent quoi faire de leurs collèges, qui doivent même les fermer. Moi, je dois en ouvrir un de plus quasiment à chaque rentrée scolaire. Ce qui implique des obligations en matière d’investissement. On doit équiper ce territoire comme aucun autre en Ile-de-France. Un tiers des gares du Grand Paris se situe en Seine-Saint-Denis ! Oui, 24 des 72 gares du Grand Paris Express sont en Seine-Saint-Denis.

C’est à la fois des besoins en investissement extraordinaires, et des capacités de développement de nouveaux quartiers autour de ces gares comme aucun autre territoire en Ile-de-France n’en connaît. Tout cela dans la partie la plus dense de l’Ile-de-France. C’est notre force.

Les créations d’entreprise

Je vous livre un autre chiffre largement ignoré. On doit être, en taux de créations d’entreprises par rapport au stock d’entreprises existantes, le premier département de France, et le cinquième au niveau national par le nombre de créations. Cela correspond en 2015 à 17 000 créations d’entreprises. Bien sûr, il y en a de tout type. C’est aussi l’atout de la Seine-Saint-Denis.

Il y a une forme de biodiversité économique très importante, des grands groupes aux start-up émergentes en passant par les toutes petites entreprises. Vente-privée.com est née en Seine-Saint-Denis. Le groupe Paprec, un géant du recyclage – lieu de naissance La Courneuve – est resté en Seine-Saint-Denis.

“On doit être, en taux de créations d’entreprises par rapport au stock d’entreprises existantes, le premier département de France, et le cinquième au niveau national par le nombre de créations”

Je sais bien sûr que dans ces 17 000 entreprises, il y a aussi au bout de quelques mois, au bout de quelques années, un taux de déperdition élevé. Il est certainement plus élevé qu’ailleurs. C’est un enjeu sur lequel il faut absolument travailler. C’est pour cette raison que je ne me satisfais pas du fait qu’on est à la fois le territoire le plus créateur d’entreprises, mais aussi celui qui, sur l’échelon régional, voire national, bénéficie le moins des aides à la création et au soutien des entreprises.

Le combat pour l’égalité territoriale

Le département a eu le Stade de France en 98. On a bénéficié des installations et de la reconversion des friches industrielles autour du Stade de France, mais force est de constater que ça n’a pas suffisamment profité aux habitants du territoire eux-mêmes. Là est l’enjeu des 15 prochaines années. La Seine-Saint-Denis a connu depuis la fin des années 90 et le début des années 2000, une transformation très importante, notamment autour de la Plaine, mais aussi au sud, autour de Noisy-le-Grand, Marne-la-Vallée, ainsi qu’autour de la zone du Bourget et de Roissy. Ce n’est rien par rapport aux 15 prochaines années avec les nouvelles gares, le développement des projets autour de la candidature des Jeux olympiques, les grands équipements structurants. Il y a aussi parmi les programmes emblématiques la Banque de France qui s’installe à La Courneuve, l’agence de communication BETC qui vient à Pantin, le long du canal de l’Ourcq, le projet Image, etc.

Ce mouvement ne suffit pas à combattre les inégalités territoriales, ni à rattraper le retard. Il faut y mettre des moyens d’action, il faut accepter de favoriser les partenariats, de construire des projets innovants qui ne servent pas seulement le développement du territoire, mais le développement des habitants du territoire. C’est peut-être l’enjeu principal pour la Seine-Saint-Denis. Il peut en effet y avoir un développement du territoire, un développement de la richesse produite, sans que cela profite suffisamment aux habitants.

Bien entendu, la spécificité de l’institution départementale compte. Mais je pense que le pays tout entier n’a pas pris la mesure de ce qu’il est, de ce qu’il est en train de devenir. La nostalgie de la France des années 50, incarnée finalement par Amélie Poulain, le béret et la baguette, tout cela c’est fini. J’ai été frappé par la manière dont Londres, en 2012, avait gagné les Jeux olympiques, en mettant justement en avant sa jeunesse, sa diversité, sa capacité d’innovation et de création. Eh bien cette France-là, la France de demain, elle est déjà en Seine-Saint-Denis. Oui, cette France-là qui, finalement, a du mal à se voir telle qu’elle est vraiment, ou telle qu’elle est déjà devenue, elle est en Seine-Saint-Denis.

“Force est de constater que ça n’a pas suffisamment profité aux habitants du territoire eux-mêmes. Là est l’enjeu des 15 prochaines années”

Le pays n’a pas vu la métropolisation et la diversification de sa jeunesse dans un certain nombre de territoires. Les pouvoirs publics ne tiennent pas suffisamment compte de cette situation dans la manière dont ils allouent la ressource dans l’ensemble du pays. Le combat permanent de la Seine-Saint-Denis est donc celui pour l’égalité territoriale. Dans les axes d’actions vis-à-vis des pouvoirs publics, vis-à-vis des entreprises, vis-à-vis des partenaires privés ou publics, je mets toujours en avant le combat pour l’égalité.

C’est vrai sur le RSA, c’est vrai sur les moyens pour l’Éducation nationale, c’est vrai pour les aides aux entreprises, c’est vrai pour le rattrapage en matière de transport, c’est vrai pour l’accueil des grands événements internationaux. Il est temps que le pays pense à la manière dont il affecte ses ressources, à la manière dont il décide ses priorités, à la manière dont il met en avant ses réussites. Le César du meilleur espoir masculin, Rod Paradot, vous savez, celui qui a fait pleurer la France par sa sincérité, son émotion, il est en Seine-Saint-Denis, il a grandi à Stains. Audrey Tcheuméo, qui va être qualifiée pour les JO, elle est de Bondy. Quand le président de la République vient voir une start-up émergente pour faire ses annonces sur la loi Travail, il vient en Seine-Saint-Denis dans une boîte qui s’appelle “Showroom Privé”.

Les deux gauches

Comment je gère ma majorité politique ? Eh bien j’ai fait le choix d’un positionnement politique auquel je crois pour le pays, et en particulier dans un département populaire comme la Seine-Saint-Denis, marqué depuis longtemps par l’histoire de la gauche, qui a même été longtemps marqué par la puissance du Parti communiste. Cela veut dire que je suis attaché au rassemblement de la gauche et des Écologistes, parce que je pense qu’en Seine-Saint-Denis comme dans tout le pays, il ne peut pas y avoir de victoire possible et de victoire durable pour la gauche sans rassemblement. Je ne crois pas à cette idée de deux gauches irréconciliables. Parce que quand on dit qu’il y a deux gauches irréconciliables et quand on assume qu’il y aura deux gauches irréconciliables, il n’y a pas de victoire possible.

“Je ne crois pas à cette idée de deux gauches irréconciliables”

C’est ce que je dis aux élus du Front de gauche, qui sont désormais la minorité de la majorité : “nous avons vocation à travailler ensemble”. Cherchons des compromis, cherchons des consensus, cherchons des points d’équilibre pour nous rassembler et continuer à soutenir les transformations de ce département. Après, vis-à-vis de l’opposition du parti Les Républicains, dès lors qu’on est dans la volonté de faire avancer nos territoires, je trouve les projets, les initiatives, les actions communes. L’autre soir, j’étais avec deux maires, l’un UDI, l’autre Républicain, pour inaugurer une nouvelle Maison des Solidarités du département au Bourget. Je vais travailler avec le maire du Bourget, qui est UDI, et le maire de Dugny qui est LR, pour développer le quartier autour du Village des médias. Idem avec Patrick Braouezec, qui est Front gauche, pour le Village des athlètes autour du Stade de France dans le cadre de la candidature aux JO.

Valérie Pécresse

De la même façon, j’ai été bien évidemment très engagé auprès de Claude Bartolone dans le cadre de la campagne pour la présidence de la région Ile-de-France. Valérie Pécresse, LR, a été élue. C’est un changement politique important, puisqu’elle succède à un président socialiste. Bien évidemment, je prends acte du choix des électeurs et de la nécessité de travailler intelligemment. J’ai rencontré Valérie Pécresse, la nouvelle présidente de région.

J’ai voulu insister sur l’idée que la campagne avait été quand même violente et rude dans, justement, le regard et les attaques portés contre la Seine-Saint-Denis. C’est un élément déterminant parce que je considère que le département est une force pour le Grand Paris et pour l’Ile-de-France. Je ne supporte pas quand on nous renvoie à une image exclusive et caricaturale de notre territoire. Bien sûr, il y a du chômage avec un nombre de chômeurs plus important qu’ailleurs, bien sûr il y a de l’insécurité peut-être plus grande qu’ailleurs. Mais quand on ne voit la Seine-Saint-Denis que de cette manière-là, on a des œillères qui empêchent de voir tout le reste. On blesse ses habitants et on les enferme dans une situation qui n’est pas la réalité. J’ai tenu à le dire à Valérie Pécresse. Après, elle et moi, j’imagine qu’on va être exigeants et pragmatiques.

“Je ne supporte pas quand on nous renvoie à une image exclusive et caricaturale de notre territoire”

A-t-on en commun un projet particulier ? On en aura ! On en aura sur le développement du territoire. Comme Valérie Pécresse veut faire venir le siège de la région Ile-de-France en Seine-Saint-Denis, je lui ai dit “Bienvenue !”. Je connais bien les sièges sociaux en Seine-Saint-Denis. De nombreuses entreprises font le choix de s’y installer, et je le répète : “bienvenue à la région Ile-de-France”.

Le suffrage universel au secours du département

Je suis lucide. Aujourd’hui, l’institution départementale est interrogée. Il y a eu toute une série de débats institutionnels autour de cette question dans le cadre de la Loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République). En Ile-de-France, la situation est désormais quand même un peu complexe, entre la commune, les EPT (Établissements publics territoriaux), les départements, la métropole et la région. Cela fait cinq niveaux. Je ne crois pas que ce soit une situation lisible et durable. En ce qui me concerne, j’ai comme ligne d’appréciation le suffrage universel direct. Parce que je crois qu’il y a une crise démocratique profonde dans notre pays, et c’est le cas aussi pour nos institutions locales. Si l’on veut refonder les institutions, si l’on veut refonder le lien démocratique entre les citoyens et les institutions, cela doit passer par la validation d’un projet que les collectivités portent directement par le suffrage universel direct. Les départements, notamment en Ile-de-France, sont interpellés par des découpages politico-administratifs qui datent des années 50 et 60, qui ne correspondent plus forcément à la réalité vécue par les gens. Mais ils ont une force : ils sont issus du suffrage universel direct.

Ma ligne de conduite est claire : je veux bien discuter de l’avenir des départements, mais tous ceux qui veulent en discuter doivent se soumettre au suffrage universel direct. Les regroupements de communes, les ETP, tout ça c’est bien gentil, mais leurs représentants sont élus au deuxième degré avec des citoyens qui ne se souviennent même plus qu’au moment des élections municipales, il y avait des élus fléchés pour aller les représenter dans ces territoires ou ces agglomérations. Et la Métropole du Grand Paris (MGP) est un cénacle de 209 maires autour duquel les citoyens ont tout de même assez peu de visibilité.

“Cela fait cinq niveaux. Je ne crois pas que ce soit une situation lisible et durable. En ce qui me concerne, j’ai comme ligne d’appréciation le suffrage universel direct”

La prochaine étape, ce sera de la simplification, mais de la simplification qui devra être validée par le suffrage universel direct. Je ne sais pas exactement aujourd’hui quelle sera la fin de l’histoire, mais en tout cas, je connais ma ligne de conduite. Je suis prêt à toutes les évolutions, car les institutions ont besoin d’être rénovées, mais sur la base de cette ligne. Parce qu’encore une fois, depuis 15 ans, avec différentes lois – celle de 1992 relative à l’Administration territoriale de la République (ATR), celle de 1999 de Chevènement relative au renforcement de la coopération intercommunale – on a développé l’intercommunalité, puis maintenant les EPT et les métropoles, sans jamais borner l’horizon démocratique de la fondation de toutes ces nouvelles institutions. C’est quand même un problème.

Finalement, avec les intercommunalités, y compris les métropoles, le système recréé est celui qu’on reproche aux institutions européennes. Vu les difficultés de fonctionnement et de légitimité du projet européen, je ne voudrais pas qu’il arrive la même chose à nos projets locaux. Certes, il n’y aura pas durablement cinq niveaux d’institution en Ile-de-France. Mais si l’on doit en supprimer quelques-uns, la ligne de partage pourra être la refondation par re-légitimation démocratique.

La stratégie budgétaire

J’ai un triptyque sur la question du budget : bonne gestion, priorité à l’investissement, combat pour l’égalité. La bonne gestion, pour moi, ce n’est pas un gros mot. Ce n’est pas parce qu’on est de gauche qu’on doit laisser filer les choses. Il faut bien gérer pour équiper le territoire, pour investir, pour porter de nouveaux projets. Cela veut dire maîtriser nos dépenses de fonctionnement, faire des économies, traquer toutes les dépenses inutiles. Quand l’argent public est rare, chaque euro doit être un euro utile. Le conseil départemental a donc diminué les charges à caractère général, supprimé les cérémonies de vœux superflues et coûteuses, réduit les dépenses de communication de 55 %, et il fait de la mutualisation, de l’optimisation, de la dématérialisation pour, encore une fois, bien gérer. Tous ces arbitrages portent leurs fruits : cette année, et même deux années de suite, je vote mon budget sans intégrer par anticipation l’excédent de l’an passé. Ce n’était pas arrivé depuis longtemps en Seine-Saint-Denis. L’objectif est de redresser le taux d’autofinancement pour limiter le recours à l’emprunt annuel et pouvoir continuer d’investir.

Quand mon prédécesseur, Claude Bartolone, est arrivé à la présidence du département en 2008, il a fait faire un audit financier. Ce qui a permis de constater que la dette était constituée à 93 % d’emprunts toxiques. Ce qui veut dire qu’une partie des taux d’intérêt de ces emprunts est indexée sur des parités monétaires totalement volatiles, totalement fluctuantes, et surtout non maîtrisables. Une partie du taux était indexée sur la parité entre le dollar et le franc suisse, et une entre l’euro et le yen. Il aurait fallu une salle de marché pour maîtriser les processus et les évolutions…

“Ce n’est pas parce qu’on est de gauche qu’on doit laisser filer les choses”

Nous avons décidé de mener la bataille sur les plans juridique, médiatique et politique. Donc, on met les banques en contentieux, on arrête de payer les bonifications d’intérêts liées à la crise financière qui font déraper les taux d’intérêt, on mène le combat et on obtient satisfaction. Une loi a accordé un fonds de soutien. Et à l’issue du bras de fer, des accords ont été négociés avec un certain nombre de banques. Cette année, dans le budget 2016, la part des emprunts toxiques sur l’ensemble de nos dettes est tombée à 8,5 % (après un pic de 93 %). Actuellement, le taux va désormais être quasiment deux fois moindre que la moyenne de l’ensemble des départements.

L’investissement

Alors que face aux contraintes budgétaires, la plupart des collectivités ont décidé un coup de frein sur l’investissement, la Seine-Saint-Denis maintient sa priorité sur ce front avec des dépenses en hausse de près de 5 %. Quand il y a des transports à développer, des collèges à construire, quand il y a des équipements petite enfance à rénover, des grandes routes nationales à requalifier, quand il y a la transition énergétique et écologique à accompagner, eh bien, il faut que le département, s’il veut jouer un rôle, s’il veut être une institution qui compte, soit en capacité de soutenir ces projets. Notre priorité à l’investissement est bien réelle. Je veux être autour de la table quand il y a des projets utiles pour le territoire et qu’il y a un tour de table financier à boucler. S’il veut avoir son mot à dire, il faut que le département puisse être là.

On va mettre 64 millions d’euros dans le prolongement de la ligne 11 du métro, entre 40 et 50 millions dans le nouveau tramway T1, on va s’engager pour soutenir le prolongement du T8, on va continuer d’accompagner le prolongement du métro 12, on va soutenir la politique de rénovation des équipements culturels et sportifs. Bref, investir, investir, investir pour rattraper notre retard, préparer l’avenir de ce département et l’équiper.

“Le seul levier fiscal dont désormais on dispose, c’est la part départementale sur le foncier bâti, payée à la fois par les entreprises et par les ménages. Nos recettes se répartissent à peu près à 40 % sur les entreprises et à 60 % sur les ménages”

Le seul levier fiscal dont désormais on dispose, c’est la part départementale sur le foncier bâti, payée à la fois par les entreprises et par les ménages. Nos recettes se répartissent à peu près à 40 % sur les entreprises et à 60 % sur les ménages. Depuis trois ans, nous n’avions pas relevé le taux du foncier bâti. Face à la fois aux contraintes budgétaires et aux besoins que nous avons pour l’avenir, la Seine-Saint-Denis a relevé de 9,5 % cette année le taux de la part départementale du foncier bâti. Une hausse sans commune mesure avec mes voisins d’Ile-de-France, qui ne sont absolument pas dans la même situation. La Seine-et-Marne et le Val-d’Oise ont augmenté de 15 %, l’Essonne de 29 %, les Yvelines de 66 %. Alors qu’il n’y a pas eu d’alternance politique dans les Yvelines et que le nombre d’allocataires du RSA n’a rien à voir avec ceux de la Seine-Saint-Denis ! Notre choix a été de limiter au maximum le relèvement de la fiscalité après trois années de stabilité.

Le manque de compensation de l’État

Le troisième élément de notre budget, c’est le combat pour l’égalité territoriale. Ça veut dire que si les finances de la Seine-Saint-Denis sont dans une situation difficile, ce n’est pas parce qu’on aurait trop dépensé, c’est fondamentalement à cause du transfert sur le département, depuis dix ans, des allocations de solidarité nationale. Le manque de compensation par l’État des trois allocations de solidarité – RSA, APA (Allocation personnalisée d’autonomie) et PCH (Prestation de compensation du handicap) – correspond à l’équivalent d’un budget annuel du département, soit environ 2 milliards d’euros.

Si l’État avait fait ce qu’il avait dit en 2004, comme s’y étaient engagées les lois Raffarin, c’est-à-dire compenser le transfert des allocations à l’euro près, il n’y aurait pas de problème financier en Seine-Saint-Denis. Pour la première fois, il y a un gouvernement qui, depuis 2012, a reconnu le problème. Il y a eu les accords de Matignon avec Jean-Marc Ayrault en 2013. Ils ont été très vite insuffisants. Aujourd’hui, le gouvernement de Manuel Valls s’est engagé à re-centraliser le financement, le “re-nationaliser”, en prenant en charge l’intégralité de la facture du RSA. Très bien, je dis oui à la renationalisation, mais au juste prix.

“Le manque de compensation par l’État des trois allocations de solidarité correspond à l’équivalent d’un budget annuel du département, soit environ 2 milliards d’euros”

Je m’explique. La Seine-Saint-Denis, c’est 100 000 allocataires du RSA. C’est quasiment – je ne sais pas exactement – le double du nombre d’allocataires du RSA des Hauts-de-Seine. Par contre, les deux départements ont à peu près le même nombre d’habitants. De fait, je dois consacrer dans mon budget plus d’argent pour le RSA que les Hauts-de-Seine. Il faut prendre en compte les inégalités qui ont été créées et renforcées par ce transfert des allocations de solidarité ! Il ne faut pas figer à l’occasion de la compensation les inégalités créées depuis une dizaine d’années.

Cette donne fait partie de la négociation en cours. Il faut prendre en compte le reste à charge par habitant dans chacun des départements. Pour permettre à ceux qui ont des besoins immenses par rapport au développement de leur territoire d’accompagner les transformations et les mutations. En tout cas, c’est un moyen de sauver les finances des départements.

Budget 2015

2,307  milliards d’euros pour le budget principal ;

1,805  milliard pour les dépenses réelles de
fonctionnement, dont 602 millions au titre des trois
allocations de solidarité (446 millions pour le RSA) ;

278  millions au titre des dépenses réelles
d’investissement.