Projet de loi « égalité et citoyenneté » : des avancées intéressantes, mais il faut aller plus loin
Publié le jeudi 14 avril 2016
LE PLUS. Le gouvernement a présenté son projet de loi « égalité et citoyenneté », ce mercredi 13 avril. Le but ? Lutter contre la ghettoïsation des quartiers. Si certaines dispositions sont intéressantes, le projet de loi délaisse totalement l’école républicaine, pourtant essentielle pour engranger une transformation majeure dans les quartiers populaires, estime Stéphane Troussel, président du conseil général de Seine Saint-Denis. – Édité par Barbara Krief
Aujourd’hui, la Seine-Saint-Denis, loin des clichés qu’on cherche encore à lui imposer, affronte ses difficultés, évolue, se transforme, forte de sa jeunesse, de sa mixité, de sa créativité. Elle accueille de grandes entreprises, des évènements internationaux. La France de demain se construit chaque jour en Seine-Saint-Denis, une France tournée vers le monde, innovante et solidaire.
Mais dans les quartiers populaires plus que dans d’autres territoires, cette vitalité incroyable a besoin pour se libérer que la République assure l’égalité réelle.
Des dispositions intéressantes mais…
Le projet de loi « Egalité et citoyenneté » comporte des dispositions intéressantes mais il est encore loin d’être le grand programme qui permettra enfin aux habitants des quartiers populaires de pouvoir exprimer tous leurs talents et de mener la vie agréable et sereine à laquelle ils aspirent simplement.
Bien sûr, stimuler l’engagement citoyen, se saisir du numérique pour l’emploi et la formation, ou encourager la mixité dans les logements, tout cela est utile et bienvenu. Presque des évidences.
Mais cela ne fait pas encore un acte de transformation majeur, décisif, dans la vie des citoyens des quartiers populaires de Seine-Saint-Denis.
Nous devons agir pour la mixité dans nos écoles, en y développant tous les projets pédagogiques, culturels, sportifs qui permettront de les rendre plus attractives. L’investissement dans l’éducation et le recrutement d’enseignants réalisés par le gouvernement est un excellent début mais ce n’est pas un aboutissement. Malgré les efforts, nous manquons encore de professeurs. Nous ne pouvons pas accepter le moindre manque de l’école républicaine.
La volonté de mixité sociale dans nos écoles ne pourra se faire sans moyens quantitatifs et qualitatifs importants et pérennes. Les établissements publics des quartiers populaires doivent donner envie à ceux qui les ont quittés d’y revenir. Dès la rentrée de septembre, mettons en place un dispositif exceptionnel : une classe, un projet exemplaire (artistique, culturel, sportif, linguistique…).
Des silences qui s’entendent trop
En matière de logement et de mixité, « nos ghettos, nos séparatismes territoriaux, sociaux et ethniques » pour reprendre l’expression du Premier ministre, ils ne sont que le pendant visible des ghettos protégés et proliférant à l’autre bout de l’échelle sociale : dans l’Ouest Parisien, dans des Hauts-de-Seine.
Nos regards sont souvent attirés par les quartiers et les difficultés qui s’y concentrent, mais les causes et les blocages sont en réalité ailleurs, géographiquement, socialement et politiquement. Déjà annoncée l’an dernier par le ministre de la Ville, les mesures pour contraindre les maires qui refusent d’appliquer la loi et de construire des logements sociaux sont plus qu’urgentes.
Ce sont donc bien des politiques publiques et d’investissements massifs dont nous avons besoin. En politique de la Ville, la communication prend trop souvent le dessus sur l’action. Et, même en matière de communication et de symboles, il y a des silences qui s’entendent trop pour qu’on ne les traite pas. Je pense au récépissé ou au droit de vote des étrangers.
Les généralités politiques et médiatiques doivent cesser
La politique de la Ville est une des seules politiques pour laquelle on nous explique encore trop souvent qu’elle peut être menée à moyens constants. C’est à l’opposé des ambitions qui ont présidé à sa création : rattraper le manque de moyens attribués à certains quartiers oubliés.
Or 30 ans après, le ministère de la Ville est presque sans budget. Il est temps que la France investisse massivement dans sa jeunesse, dans son avenir.
La maire de Paris vient de demander de réviser la politique de baisse systématique des dotations aux collectivités locales pour soutenir davantage les investissements des acteurs locaux. Voilà des ressources possibles pour permettre aux élus locaux d’agir plus dans nos quartiers populaires.
Il faut arrêter de réduire la banlieue à des problèmes qui, certes, existent mais sont loin de la résumer. Les généralités politiques et médiatiques excessives qui en sont faites doivent cesser. Sinon, l’épisode malheureux des « Molenbeek français » risque de marquer davantage nos habitants que le projet de loi « Egalité et citoyenneté ». Il n’est peut-être pas encore trop tard !
Tribune publiée sur Le Plus – L’Obs
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