Liberté, égalité, fraternité… et solidarité !
Publié le mercredi 4 mai 2016
Confrontée à des difficultés économiques majeures, à l’instar de nombreux autres départements, la Seine-Saint-Denis n’entend pas se résoudre à proposer une politique de solidarité au rabais. Au contraire, c’est précisément dans un contexte où la solidarité est pointée du doigt par des discours stigmatisants et où la désagrégation du lien social menace qu’il est plus que nécessaire de s’interroger sur la manière dont la solidarité peut innover.
La solidarité n’est pas la charité. Le versement du RSA s’accompagne d’un contrat passé avec le bénéficiaire qui s’engage en contrepartie dans une démarche d’insertion. Pourtant, les discours en provenance de la droite et de l’extrême-droite fleurissent pour exiger ici un « flicage » des comptes bancaires des bénéficiaires du RSA, et là, un « travail bénévole » de leur part. La première proposition apparaît choquante dans un contexte où la révélation des « Panama Papers » secoue le monde entier. Que représente la fraude au RSA comparée à ces milliards appartenant à certains oligarques ou dirigeants de grandes entreprises engloutis dans les paradis fiscaux ? Quant au « travail bénévole » suggéré par le Conseil départemental du Haut-Rhin, faut-il vraiment commenter cet oxymore démagogique ?
Si la solidarité ne peut en aucun cas être confondue avec l’assistanat, elle doit, afin d’assurer pleinement sa mission, se réinventer.
Pour répondre au risque de délitement du lien social, refonder la cohésion et la confiance entre les citoyens et les politiques, la solidarité doit réaffirmer sa légitimité et démontrer sa capacité à agir comme un levier d’investissement pour l’ensemble de la société.
La solidarité constitue un droit et représente un progrès social qui a donné naissance à plusieurs mesures historiques telles que la Couverture Maladie Universelle (CMU) ou l’Allocation Adulte Handicapé (AAH). C’est ainsi qu’elle devrait être perçue, et non comme une charge.
Si les termes égalité et fraternité font partie de notre devise nationale, c’est bien la solidarité qui permet d’en faire l’articulation.
La solidarité doit faire émerger des solutions et impulser une dynamique innovante au niveau local. C’est ainsi que, grâce à des formations adaptées aux attentes du marché du travail, les bénéficiaires du RSA peuvent s’inscrire dans un projet professionnel sur le long terme. Ce faisant, les formations dispensées par des entreprises leur permettent de bénéficier d’un bassin de main d’œuvre qualifiée et issue du même territoire que celui dans lequel elles sont implantées.
L’Etat doit prendre des engagements pour que les Départements puissent assumer leurs politiques relatives à la solidarité, qui constituent le cœur de leur mission. Voici nos propositions :
Ø Une évaluation systématique et régulière du coût des compétences transférées aux collectivités : la décentralisation n’a de sens que si le transfert de compétences s’accompagne en contrepartie de moyens financiers suffisants pour les collectivités. Or, l’État ne procède pas systématiquement à une évaluation du coût des compétences transférées. L’impact financier peut donc apparaître plusieurs années après le transfert, et ainsi amoindrir les marges de manœuvres des collectivités. Cette évaluation systématique permettrait de prévenir ce risque, et de suivre l’évolution des compétences dont sont chargées les collectivités.
Ø La renationalisation du financement du RSA : Le manque de moyens des collectivités locales (baisse des dotations, explosion du nombre de bénéficiaires du RSA…) amène les Départements tels que la Seine-Saint-Denis à exiger la mise en œuvre d‘alternatives au système de financement actuel du RSA. Nous demandons à ce que – et cette idée est actuellement étudiée par Matignon – le financement du RSA soit renationalisé afin de favoriser la concentration des moyens des collectivités sur des investissements d’avenir. La solidarité nationale ne peut reposer sur la fiscalité locale.
La Seine-Saint-Denis a d’ores et déjà commencé à développer de nouveaux outils d’insertion pour les bénéficiaires du RSA. Ces actions s’inscrivent dans le Plan Départemental d’Insertion (PDI) : accompagnement social, formations pré-qualifiantes, remise à niveau et alphabétisation, micro-crédits destinée à la création d’entreprises…
La Constitution affirme que la France est une République dont l’organisation est décentralisée. Le Conseil Constitutionnel a érigé en objectif à valeur constitutionnelle, l’égalité entre les collectivités territoriales. De fait, il n’est plus possible pour l’Etat d’agir de façon jacobine et fermée. D’autres acteurs locaux ont émergé, qui sont porteurs d’avenir. L’affirmation d’une France unie et progressiste passe nécessairement par une confiance solide et un soutien réciproque entre l’Etat et nos collectivités. C’est le sens de la tribune que j’ai signée en avril 2016 avec les président-e-s de départements du groupe de gauche de l’Assemblée des départements de France (ADF).
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