Lettre ouverte à Laurent Bouvet
Publié le vendredi 2 septembre 2016
Lettre co-écrite avec Mathieu HANOTIN, Député et Conseiller départemental de la Seine-Saint-Denis
Contrairement à ce qu’affirme Laurent Bouvet, il nous semble légitime et même indispensable de nous opposer aux propos tenus par Jean-Pierre Chevènement sur France inter.
Il nous semble indispensable de dénoncer ces propos puisqu’ils font la confusion entre la couleur de peau ou l’origine et la nationalité. Dire qu’il suffit de « regarder » à la sortie du métro pour se rendre compte que la nationalité française a quasiment disparu de Saint-Denis, c’est faire injure à une partie de nos concitoyens, qui n’ont – n’en déplaise à Monsieur Chevènement – pas la peau blanche, c’est nier à une partie de nos compatriotes la qualité de Français. Ces propos sont, en tout état de cause, inexacts puisque selon les chiffres de l’INSEE en 2012, 70% des 108 274 habitants que comptait alors la ville étaient français. Il ne s’agit pas ici de stratégie électoraliste comme le clame Monsieur Bouvet, mais d’une réaction de bon sens : comment ne pas s’indigner en entendant de telles allégations ? Concernant la soi-disant non condamnation de réunions « réservées aux personnes racisées », nous tenons à rappeler que nous condamnons avec la même force toutes les formes de racisme et que nous ne faisons pas de hiérarchie dans la haine. Au mois de juin dernier, les socialistes de Saint-Denis se sont d’ailleurs publiquement élevés au nom de l’égalité contre la tenue sur l’espace public de notre ville d’un rassemblement à l’appel d’organisations prônant ce type d’initiatives excluantes.
D’autre part, il nous semble que tout un chacun est légitime et a le droit – voire même le devoir – de s’opposer à ces dérapages incompatibles avec les valeurs de la République française. Puisque certains semblent l’oublier, nous nous devons de rappeler que la République est garante de l’égalité de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.
Monsieur Bouvet fait du long et prestigieux parcours politique de Monsieur Chevènement un argument d’autorité justifiant a priori tous ses propos. Nous sommes d’ailleurs étonnés, pour ne pas dire estomaqués, de voir que Monsieur Bouvet considère, dans des termes franchement peu amènes et méprisants, que nous ne sommes pas selon lui qualifiés à nous opposer à Monsieur Chevènement. Depuis quand le Président d’un Conseil départemental et un Député, tous deux élus par leurs concitoyens, doivent-ils demander la permission de s’exprimer à des politologues ? Depuis quand des élus de la République doivent-ils s’excuser de défendre les valeurs fondamentales de celle-ci quand elles sont remises en cause ? Nous avons un profond respect et même de la reconnaissance pour ce grand militant de gauche, animateur du CERES, ancien Ministre de l’Education Nationale, de la Défense et de l’Intérieur, mais son statut ne le dispense pas de conserver sa rigueur intellectuelle et son discernement.
Quant à ce conseil de « discrétion » donné à nos concitoyens de confession musulmane, il faut là encore rappeler que la loi de 1905 n’exclut pas la religion de l’espace public mais en fait un lieu de libre expression. Les propos de Monsieur Chevènement sur l’Islam sont pour nous dans la même veine que la polémique ridicule et inutile sur le burkini ou que le débat déflagrateur pour l’unité du peuple français sur la déchéance de nationalité: ils alimentent la stigmatisation des personnes de confession musulmane dans notre pays. On peut juger que le burkini n’est pas le modèle que nous défendons pour les femmes -et c’est ce que nous pensons- tout en considérant que son interdiction par la loi est à la fois contraire au principe de laïcité et contreproductive.
Pour finir, nos doutes quant à la légitimité de Monsieur Chevènement à diriger la Fondation pour l’Islam de France ne tiennent évidemment en rien au fait qu’il ne soit pas musulman. Ce qui pose problème selon nous, ce sont ses propos répétés sur sa conception de la nationalité française dont il ne s’est à cette heure toujours pas excusé préférant prétexter une incompréhension ou un quiproquo.
Alors que le débat public s’enkyste dans d’inutiles et regrettables polémiques qui altèrent la cohésion nationale et donnent une bien piètre image de la France à l’international, il nous semble indispensable que chacun reprenne le chemin de l’apaisement et de la sérénité.
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