TRIBUNE. Comme un certain nombre de grandes démocraties dans le monde, l’Europe et la France sont menacées par le face-à-face entre ceux qui prônent la dérégulation et ceux qui misent sur la démagogie pour renverser la table. Elus et citoyens européens engagés, nous croyons qu’un autre avenir est possible et qu’il s’invente déjà, dans la fidélité à nos idéaux, au cœur de nos territoires ; nous croyons que la société est capable de donner naissance à une vision nouvelle et à un projet commun ; nous croyons qu’elle seule peut faire émerger le sens qui rassemble et permet de mieux vivre ensemble.
Nous assumons et nous revendiquons la révolution pacifique parce que démocratique, au terme de laquelle ce sont les citoyens engagés qui relèveront à la fois localement et globalement les grands défis auxquels est confrontée l’humanité. Cette réponse en actes à la fatalité ambiante, ils l’apportent déjà partout en Europe, aussi bien au centre des grandes villes que dans les quartiers populaires et au cœur du monde rural.
Il s’agit donc de libérer notre avenir français et européen de la catastrophe environnementale, de la casse sociale, de la faillite démocratique, de l’abandon des valeurs républicaines, ces quatre fatalités n’en formant qu’une contre laquelle nous luttons en faisant émerger en permanence des réponses nouvelles. Ces réponses sont aussi réelles et vivantes que les sociétés qui les découvrent. Et notre rôle consiste à leur donner du champ, des moyens, de l’ampleur.
La véritable écologie
Le premier de ces défis a trait au changement climatique, qui menace la nature comme la culture, l’inné comme l’acquis, ce que nous avons reçu comme ce que nous avons construit. Relever ce défi, pour l’humanité, c’est donc d’abord et avant tout survivre. Mais c’est également vivre mieux, en se donnant un avenir à la hauteur de ses possibilités.
Nous sommes persuadés que la véritable écologie est politique, sociale, économique et culturelle. Nous savons qu’elle se joue à l’échelle européenne. Nous croyons qu’elle constitue une chance pour l’économie parce qu’elle sait être innovante. Nous sommes certains qu’elle contribuera à la création de très nombreux emplois.
Le deuxième défi auquel notre société est confrontée est celui de l’inclusion, de la lutte contre les inégalités et des mutations du travail. Parce que nous vivons et œuvrons au cœur de territoires où se côtoient les gagnants et les perdants de la mondialisation, nous nous évertuons à donner à chacun sa place et sa chance, pour faire progresser la concorde dont notre démocratie a besoin.
Nous croyons que la démocratie est sociale, sous peine de ne pas être, et que sa crédibilité repose avant tout sur sa capacité à redistribuer et à incarner concrètement les valeurs qu’elle porte. En nous battant pour que la République ne soit lettre morte pour personne, nous n’oublions pas que les exigences les plus radicales ne peuvent trouver à se réaliser pleinement que par des voies modérées, respectueuses de la complexité des sociétés qu’elles traversent.
Radicalité concrète
Cette radicalité concrète au cœur de l’action locale, nous la rencontrons tous les jours chez nos concitoyens – et nous misons sur elle pour relever avec euxle troisième grand défi de notre temps qui est celui de la démocratie. Les citoyens sont donc aujourd’hui notre première source d’énergie : une énergie renouvelable qui ne cesse d’investir le champ du quotidien ; une énergie propre qui contraint tous les pouvoirs en place à se réinventer ; une énergie positive qui veut bâtir et non détruire, unifier et non diviser, progresser et non regretter au sein d’une Europe en construction permanente.
Le quatrième grand défi, c’est la défense quotidienne des valeurs qui nous permettent de bien vivre ensemble : les fondamentaux d’une République sociale et laïque au sein de laquelle l’éducation, la recherche, la culture savent redonner du sens à notre vie commune, et nous prémunir des ravages de l’extrémisme, du racisme et de l’antisémitisme, du sexisme et de l’homophobie.
Croire en l’action
Aujourd’hui, plus que jamais, le moment est venu de nous émanciper des vieux carcans d’hier et des débats strictement internes aux appareils politiques pour créer un mouvement, dont le rôle sera d’identifier les solutions et les réussites locales, et de travailler à leur mise en œuvre à toutes les échelles de territoires : locale, nationale et européenne.
Nous savons, pour en faire tous les jours l’expérience, qu’une pensée globale ne trouve à se réaliser efficacement qu’au travers d’une action locale. Mais nous croyons également en la force d’une pensée locale pour donner naissance à une action globale, dès lors qu’un mouvement authentiquement politique se donne pour tâche de fédérer les initiatives citoyennes au service d’un projet de société français et européen.
C’est à ce sursaut que nous appelons nos concitoyens en lançant avec eux un grand mouvement d’innovation pour une démocratie européenne, écologique et sociale, intitulé « Dès demain ».
Ce mouvement est ouvert à tous les humanistes qui croient encore en l’action, à tous les démocrates prêts à s’engager pour la justice sociale, à tous les républicains qui aiment et revendiquent leur devise. Il s’adresse à tous ceux qui osent croire et dire qu’un autre avenir est possible : un avenir qui passe par de vraies alternatives, par notre expérience locale et universelle de la démocratie. Un avenir à construire ensemble pour que demain nous appartienne !
Les premiers signataires de cette tribune sont Yann Arthus-Bertrand (président de la Fondation GoodPlanet), Patrick Doutreligne (président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux), Anne Hidalgo (maire de Paris, PS) et Christiane Taubira (ancienne garde des sceaux, DVG).
Sont également signataires de ce texte : Christophe Alévêque (humoriste et chroniqueur), Martine Aubry (maire de Lille, PS), Vanik Berberian (président de l’Association des maires ruraux de France,sans étiquette), François Bonneau (président du conseil régional Centre-Val de Loire, PS), Luc Carvounas (sénateur du Val-de-Marne, PS), Karima Delli (députée européenne, EELV), Cynthia Fleury (philosophe et psychanalyste), Nicolas Hazard (entrepreneur, fondateur et président du Comptoir de l’nnovation, de Calso et de INCO), André Laignel (premier vice-président délégué de l’Association des maires de France, PS), Dominique Méda (philosophe et sociologue) et Stéphane Troussel (président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, PS).
Premiers Signataires de La Tribune Dès Demain by Le Monde on Scribd
Tribune publiée dans Le Monde