« Conférence des territoires : encore un coup pour rien ? »
Publié le dimanche 16 juillet 2017
À la veille de la conférence nationale ouverte demain au Sénat par le président de la République et le premier ministre.
Le nouveau pouvoir, dont on nous vante la modernité et la nouveauté n’aura pas fait preuve de grande originalité en convoquant une conférence nationale des territoires. D’abord, chat échaudé craint l’eau froide : le « pacte de confiance » qu’on nous propose ne peut pas se résumer à un nouveau coup de rabot généralisé envers les collectivités, déjà pourtant largement mises à contribution : baisses de dotations, jour de carence pour les agents publics, suppressions de postes, la formule est ancienne, elle n’a jamais été une martingale.
Plus gênant, à peine la peinture de la dernière réforme du meccano territorial sèche, on recommencerait? L’illisibilité du système territorial, dont les enchevêtrements tortueux n’ont rien à envier à certaines descriptions de la France d’Ancien Régime avant que la Révolution n’y mette bon ordre, est un argument entendable. Mais réduire la question territoriale à une simplification parée de vertus qui restent à démontrer, c’est passer à coup sûr à côté de l’essentiel : comment mettre fin à des inégalités territoriales de plus en plus insupportables, notamment dans la région la plus riche d’Europe? Comment casser la machine infernale d’un entre-soi délétère qui creuse le fossé entre des territoires riches qui cumulent tous les avantages et des territoires qui peinent à valoriser leurs atouts tant les moyens leur manquent, quand bien même les talents, les idées, et les inventeurs de la France de demain s’y trouvent?
« Le Grand Paris sans Paris, il fallait y penser »
Ce ne sont pas les petits bricolages qui y remédieront, au contraire : il faudra expliquer par quel tour de force couper en quatre petits morceaux la Seine-Saint-Denis fera progresser l’égalité et la redistribution des richesses? Encore plus fort dans l’absurde, fusionner les trois départements de la petite couronne parisienne : le Grand Paris sans Paris, il fallait y penser. La métropole du Grand Paris telle qu’elle a été créée a généré beaucoup de frustrations et peu d’actions : devons-nous chercher, après coup et à toute force, à justifier sa pertinence par des solutions hasardeuses? On peut voir un hasard dans le fait que la principale cible des simplificateurs en chef soit encore une fois les départements, mais quand on s’attaque, chaque fois, à la collectivité fille de la Révolution et qui porte, souvent bien seule, une large part de nos politiques nationales de solidarité, il est permis, sans trop forcer l’imagination, d’y voir un symbole d’une certaine vision libérale de notre pays.
Arrêtons de perdre notre temps et notre énergie à des réformes institutionnelles sans fin et parfois sans queue ni tête, défaisant le soir ce que nous avions fait le matin! Les élus locaux ne sont pas des Pénélope : ils veulent de la stabilité pour avancer et mener à bien des projets utiles aux habitants qui les ont élus, et développer les territoires. Et si on s’attaquait enfin aux vrais problèmes? Celui de la répartition des richesses pour faire correspondre les besoins et les moyens. Celui d’une solidarité nationale, comme le RSA ou l’accueil des mineurs isolés étrangers, qui repose, en réalité de plus en plus, sur la fiscalité locale et qui fait payer plus les territoires pauvres que les territoires riches. Celui d’une fiscalité locale totalement injuste et inefficace.
Voilà où serait le vrai courage des réformes. Reste à savoir si le gouvernement l’aura : il est encore permis d’en douter.
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