Mon discours au Mémorial de la Shoah
Publié le mercredi 4 octobre 2017
Alors que nous célébrons les cinq ans de présence du Mémorial de la Shoah en Seine-Saint-Denis, notre Département a passé une convention avec ce lieu d’exception pour cultiver le lien avec les populations et institutions locales et apporter des réponses au racisme et à l’antisémitisme. J’ai assisté à la poignante exposition « Drancy, au seuil de l’enfer » (dessins de Georges Horan-Koiransky), à l’occasion de laquelle j’ai prononcé un discours.
Mesdames et Messieurs,
Le Département soutient depuis longtemps le travail mémoriel autour du second conflit mondial qui a tant marqué le territoire de la Seine-St-Denis. Il conserve en effet de nombreux stigmates de ces évènements marquants de notre histoire contemporaine :
- des lieux de répression politique : aux Lilas, le fort de Romainville où furent internés près de 7 000 résistants et résistantes ; à Pantin, le quai aux Bestiaux d’où partirent environ 3 250 personnes via quatre convois de déportation de prisonniers politiques vers les camps de concentration entre avril et août 1944 ;
- des lieux majeurs de la persécution avec tout particulièrement le camp d’internement des juifs de Drancy à la cité de la Muette, ainsi que les gares du Bourget-Drancy et de Bobigny d’où furent déportées successivement 63 000 personnes, essentiellement vers Auschwitz-Birkenau.
Très impliqué sur la mémoire de la répression, en soutenant notamment le Musée de la Résistance Nationale et les projets mémoriels relatifs au fort de Romainville, le Département a complété au cours des années 2000 et 2010 son action en faveur de la mémoire de la persécution des juifs de France. La valorisation des graffitis du fort de Romainville, la découverte puis la restauration des graffitis des murs des « chambrées de départ » du camp de la Muette illustrent le travail réaliser afin de faire converger et de valoriser ces mémoires des massacres perpétrés au nom de l’idéologie nazie.
Les attaques terroristes récentes, qui ont marqué toute la France, et de nouveau, tout particulièrement notre territoire séquano-dionysien, sont venus nous rappeler toute l’actualité de ces haines dormantes, alimentées par des préjugés racistes et antisémites qui mutent toujours pour mieux survivre, et risquent à chaque instant de déferler en des épanchements de violence qui frappent aveuglement nos concitoyens.
L’urgence à agir est particulièrement forte dans un Département comme le nôtre, où la diversité des cultures est un potentiel inégalé de richesse mais que la haine peut venir à tout moment gâcher ; où la jeunesse est tout particulièrement représentée, porteuse comme chaque nouvelle génération d’un espoir de faire advenir plus de tolérance et de respect en même temps qu’elle est à l’âge où se cristallise les représentations de l’« autre ».
C’est pourquoi le Département a souhaité construire des liens étroits avec le mémorial de la Shoah.
Aujourd’hui, nous célébrons les 5 ans de la présence du Mémorial sur notre territoire ; il nous est donc apparu tout particulièrement important de formaliser notre partenariat afin de permettre aux habitants de Seine-Saint-Denis, surtout les plus jeunes, de faire découvrir ce lieu d’une très grande qualité et qui se donne notamment pour objet de présenter l’impact que cette histoire a pu avoir sur notre territoire. Le mémorial propose de nouvelles manières de transmettre cette mémoire et son message, particulièrement adaptés au défi de notre temps.
Le Département a souhaité que le territoire de la Seine-Saint-Denis puisse s’emparer de ces ressources précieuses pour travailler collectivement cette mémoire : aujourd’hui, une partie de nos jeunes, dans les collèges, dans les centres de loisirs ou de jeunesse, dans les maisons de quartiers sont soumis à la pression de nouvelles formes de racisme et de complotisme ; une partie de leurs « encadrants » – la communauté éducative, notamment dans les collèges ainsi que les éducateurs ou les animateurs peuvent se trouver démunis lorsqu’il s’agit d’aborder ces questions mémorielles, voire lorsqu’ils sont confrontés à ces nouvelles formes de discours de violence et de haine qui se diffusent et se partagent à grande vitesse sur les réseaux sociaux.
Depuis 2017, le Département s’est donc engagé dans un partenariat triennal avec le mémorial, abondé à hauteur de 25.000 euros par an pour faire cas de l’importance de cet enjeu. Il s’agit bien d’un partenariat puisque le mémorial a décidé de doubler l’apport du Département pour co-construire et coproduire des actions très concrètes au bénéfice direct des habitants du territoire, tout particulièrement sa jeunesse et de leurs encadrants : journées de formation professionnelle à destination de la communauté éducative ; accueil des jeunes pour des séances de médiation sur ces questions au mémorial ; visites mémorielles sur le territoire afin d’incarner cette histoire dans leur environnement ; installation de résidence et de parcours d’éducation artistique et culturelle, d’éducation aux média ; mise à disposition d’expositions itinérantes pour les lieux de culture et d’éducation, les médiathèques et les espaces partagés des collèges notamment, afin d’alimenter une programmation récurrente sur ces thématiques sur tout le territoire…
Nous sommes par ailleurs ici aujourd’hui pour inaugurer une coproduction : la très riche et émouvante exposition consacrée à Georges Horan, sur la base d’un fond documentaire et iconographique rassemblé par Benoît Pouvreau, l’un des chercheurs du Département et Karen Taieb, co-commissaire pour le Mémorial. Cette coproduction particulière illustrent parfaitement ce travail conjoint que nous menons en vue de la conservation et de la transmission de cette mémoire.
J’ai tenu à ce que ce travail avec le mémorial se fasse de manière partenariale avec les Villes du territoire, dont certaines se sont beaucoup engagées sur ces problématiques et depuis longtemps. Je tiens en cela à saluer les premiers retours d’Aubervilliers, de Drancy, de Pantin ou du Bourget, en attendant très prochainement d’autres encore.
Très prochainement, je proposerai à la commission permanente du Conseil départemental le renouvellement de notre soutien pour l’année 2017. En 2018, je souhaite, en accord avec la DSDEN ici présente, que l’on réfléchisse à rendre cette convention tripartite afin de mieux y inclure l’Éducation Nationale.
La transmission, l’éducation, la mémoire sont essentiels, non pas seulement pour lutter contre l’oubli, mais pour construire ensemble un avenir commun sur le socle solide de connaissance d’une histoire assumée, respectée et partagée.
Permettre aux jeunes, notamment, de connaître l’histoire du territoire sur lequel ils vivent et le sens des événements tragiques qui s’y sont déroulés. Apprendre et comprendre que toujours, nous devons nous dresser contre tout ce qui porte atteinte à la dignité humaine. C’est le sens même de notre engagement à travers cette convention que nous signons.
Je vous remercie.
À lire également
-
12 novembre 2024
Cure d’austérité pour les collectivités locales : ma tribune dans l’Humanité
-
29 mai 2024
Massacre à Gaza : la France doit agir
-
26 mai 2024
Réforme de l’assurance-chômage : s’acharner sur les plus fragiles pour protéger les plus fortunés
-
21 mai 2024
Européennes : mon discours au meeting du Pré-Saint-Gervais