Lutte contre la fraude fiscale : un nouveau projet de loi qui ne convainc pas
Publié le jeudi 29 mars 2018
« Aujourd’hui, un contrôle fiscal sur quatre débouche sur un redressement nul ou dérisoire ». C’est en ces mots que s’est exprimé Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. La lutte contre la « délinquance en col blanc » nécessite donc des méthodes plus efficaces, et un projet de lutte contre la fraude fiscale vient d’être présenté en Conseil des ministres. A l’occasion du déplacement de Gérald Darmanin en Seine-Saint-Denis, j’ai souhaité rédiger ces quelques lignes pour donner mon avis sur le sujet.
La fraude fiscale représente un manque à gagner annuel énorme en France, estimé entre 30 et 36 milliard d’euros par le Sénat en 2012, et entre 60 et 80 milliard d’euros par le syndicat Solidaires Finances Publiques. La Commission Européenne est encore plus sévère : selon elle, la France perdrait jusqu’à 160 milliards d’euros par an, déperdition qui monterait au niveau européen à 1000 milliards d’euros par an.
Il faut par ailleurs noter qu’elle diffère énormément en fonction de la taille des entreprises, les « champions » de la fraude fiscale que sont les entreprises de plus de 2 000 employés arrivant à ne payer en moyenne que 4,1 % de taux effectif d’imposition, contre 47,4 % pour les petites entreprises (moins de 250 employés).
La réforme du gouvernement permettra-t-elle d’enfin réparer cette injustice ? Si certaines mesures vont dans le bon sens (notamment la mise en place d’un nouveau service de contrôle de la fraude fiscale employant 30 à 50 personnes), elle apparaît discutable à de nombreux égards.
On peut ainsi être dubitatifs vis-à-vis de la confiance aveugle du gouvernement envers le « data-mining », cette technologie qui consiste à croiser de nombreuses données issues d’administrations étrangères mais également de fichiers personnels, afin de créer des modélisations permettant de mieux détecter les comportements frauduleux. Il ne faudrait pas que l’utilisation de la technologie soit le prétexte à la suppression d’autres services d’État, en particulier quand on sait qu’Emmanuel Macron veut supprimer 120 000 postes de fonctionnaires pendant son mandat.
Par ailleurs, cette réforme ne saurait nous faire oublier les récents manquements en matière de lutte contre la fraude fiscale, avec notamment les groupes bancaires mondiaux HSBC et JP Morgan qui évitent des procès respectivement pour blanchiment et complicité de fraude fiscale, la banque sino-britannique ayant notamment échappé à la justice en déboursant un gros chèque de 300 millions d’euros.
Ainsi, sur le volet de la fraude fiscale comme sur celui, tout autre, de la politique de la ville, on fait une nouvelle fois ce constat qui tend à devenir une vérité générale : le discours gouvernemental est beau, il fait plaisir à entendre et on n’y trouve quasiment rien à redire. Néanmoins, à y regarder de plus près, on se rend compte d’un véritable décalage et même de manquements éminemment critiquables qui permettent de porter un regard lucide sur la politique gouvernementale.
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