Pacte financier État – collectivités : le Département refuse la mise sous-tutelle d’un État aux tendances recentralisatrices
Publié le lundi 2 juillet 2018
Jeudi, en séance du Conseil départemental et à deux jours de la date butoir fixée par le gouvernement, j’ai proposé à notre Assemblée de nous prononcer collectivement et officiellement contre le principe de contractualisation financière souhaité par le gouvernement. J’ai profité de la présence du préfet, qui venait nous présenter le rapport d’activité des services de l’État dans le Département, pour lui faire part de mon sentiment sur ce qu’il faut considérer comme une volonté de l’État de soumettre les collectivités par un système de chantage inacceptable.
Il est parfois compliqué de parler finances des collectivités territoriales. Si le sujet est technique, les conséquences pour le territoire et ses habitant.e.s n’en sont pas moins concrètes et tangibles.
Les 322 collectivités territoriales « les plus importantes », dont la Seine-Saint-Denis, devaient en effet se prononcer avant samedi dernier en faveur ou contre le principe de limitation d’augmentation de ces dépenses à 1,2 % par an, et je souhaitais vous dire quelques mots à ce sujet.
Commençons par un peu d’étymologie. Parler de « contrat », comme le fait le gouvernement dans cette situation, est en vérité un abus de langage. Ce terme suppose en effet la rencontre de deux volontés partagées, ainsi qu’une réciprocité des engagements. Tout le contraire de ce qu’il se passe ici.
Car, ce faisant, le gouvernement piétine le principe d’autonomie budgétaire, qui découle lui-même du principe de libre-administration des collectivités territoires, gravé dans le marbre de la Constitution de la Vème République. Dans une démarche aux forts accents recentralisateurs, il veut mettre sous tutelle des collectivités déjà largement contraintes dans leur action par la baisse continue des dotations de ces dernières années.
Cette attitude donneuse de leçons est par ailleurs insupportable, car nous n’avons pas attendu ce gouvernement pour faire des efforts en matière de gestion, que nous continuons à poursuivre. 1,1 %, c’est le taux d’évolution des dépenses de fonctionnement incombant uniquement à notre collectivité depuis une dizaine d’années. Un taux inférieur, donc, au 1,2% que l’État veut nous imposer.
Celui-ci semble oublier qu’en 2017, ce sont 275 millions d’euros que nous avons assumés à sa place. Tout comme il « oublie » que la Seine-Saint-Denis est le Département le plus jeune et le plus pauvre de France métropolitaine, et que le taux d’évolution des dépenses devrait donc être en phase avec ces réalités.
Le gouvernement ne peut pas demander aux collectivités de payer à sa place et ensuite leur reprocher de dépenser trop. Plutôt que de jouer le rôle du « père la morale » auprès de collectivités rendues exsangues par les baisses successives de dotations, mais qui continuent tant bien que mal à agir pour leur territoire, l’État ferait mieux de remplir – enfin ! – celui de garant de l’égalité territoriale.
Car il y a encore beaucoup à faire. C’est ce dont a témoigné le rapport Borloo, suivi de près par les conclusions de de la mission parlementaire Kokouendo / Cornut-Gentille. En Seine-Saint-Denis, dans quasiment tous les domaines, c’est la République en échec que l’on constate. Nous avons seulement 9,4 % d’officiers de police judiciaire au sein des forces de l’ordre, contre 16,9 % à Paris, alors que nous avons le taux de criminalité le plus fort de l’Hexagone. Alors que nous avons 27 000 naissances par an, notre taux de couverture en termes de crèches est très inférieur à la moyenne nationale.
Et quelle a été la réponse gouvernementale aux besoins criants de la Seine-Saint-Denis ? Pour le moment aucune, si ce n’est ce « contrat » honni pour lequel on nous explique qu’aucun critère démographique, social et de bonne gestion ne puisse être appliqué à la Seine-Saint-Denis, afin de bénéficier d’un taux d’évolution des dépenses « bonifié », c’est-à-dire moins pénalisant.
Au vu de tous ces éléments, nous avons fait notre choix : celui de ne pas nous soumettre face à l’attitude recentralisatrice et antidémocratique de ce gouvernement, qui semble vouloir aller toujours plus loin dans le chantage vis-à-vis des collectivités territoriales. Pour toutes ces raisons, l’Assemblée départementale a voté à l’unanimité, et quelle que soit la couleur politique, contre ce « pacte financier ».
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