« Islamisation » de la Seine-Saint-Denis ? À Davet et Lhomme comme aux autres : stop à la stigmatisation de notre territoire !
Publié le mardi 23 octobre 2018
Cela faisait quelques mois que nous n’avions pas été obligé-e-s de monter au créneau, et nous aurions presque commencé à trouver cela étrange. Quoi, aucune revue cherchant à gonfler ses ventes, aucun-e intellectuel-le auto-proclamé-e , aucun-e polémiste à deux sous, n’aurait taxé la Seine-Saint-Denis de territoire à l’islamisation rampante, en prémisse au grand remplacement ?
Il suffisait d’attendre le dernier ouvrage, non pas rédigé par, mais dirigé par, les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, et qui est consacré à la Seine-Saint-Denis. Mais pas à n’importe quel sujet : les étudiants en école de journalisme, conseillés et orientés par leurs deux aînés, ont choisi de traiter la soi-disant « la progression en Seine-Saint-Denis d’un islam en rupture avec la société française » (merci au journal Marianne pour la formulation toute en finesse !).
Alors on nous dit que leurs méthodes de travail seraient infaillibles, leur point de vue le plus objectif possible, bref, qu’il n’y aurait rien à redire du point de vue méthodologique, et que leurs conclusions seraient ainsi incontestables.
Soit ; je ne suis pas moi-même journaliste, et je n’ai pas envie de jeter le discrédit sur une profession déjà largement éprouvée ces derniers temps quand elle fait tout simplement son travail.
Mais quand on utilise des expressions aussi racoleuses et peu nuancées que « oui, l’islamisation est à l’œuvre en Seine-Saint-Denis », « des quartiers complets sont sous la coupe du halal », ou encore « il y a un slogan en Seine-Saint-Denis : « une mosquée, trois mandats » », il ne faut pas s’étonner que des revues bien moins consciencieuses s’en emparent. J’en veux pour preuve le dernier papier nauséabond de Marianne consacré au sujet, bourré d’inexactitudes et d’assertions à la fois alarmistes et insultantes pour les habitant-e-s de la Seine-Saint-Denis.
Il faut en convenir : la Seine-Saint-Denis est une terre d’immigration, avec certes un nombre de gens de confession musulmane plus important qu’ailleurs, où certes des mosquées sont construites, pour offrir des lieux de culte décents au lieu d’obliger les gens à s’entasser, voire à faire leurs prières dans la rue.
Mais en Seine-Saint-Denis, nous avons aussi une jeunesse pleine de talents et de projets, un dynamisme économique incroyable, et surtout, en réalité, les préoccupations premières des gens ne sont pas liées à la religion.
En Seine-Saint-Denis, que veulent les gens ? De quoi me parlent-ils, lors de mes permanences hebdomadaires à La Courneuve ? Pas du halal, pas du voile, pas de la mosquée. Ils veulent un logement, ils veulent des transports qui fonctionnent, ils veulent avoir accès à un emploi, ils veulent faire des études. Pourquoi les étudiants encadrés par MM. Lhomme et Davet ne viendraient-ils pas assister à une de mes permanences, pour connaître les véritables demandes des Séquano-Dionysien-ne-s ?
Il ne s’agit pas de nier que certaines dérives religieuses importantes existent et qu’il faut les combattre. Mais il faut les laisser à leur juste place (sont-elles spécifiques à la Seine-Saint-Denis ?) et admettre que c’est en faisant plus pour l’emploi, le logement, l’éducation, la santé, la sécurité… qu’on refermera les failles de la République dans lesquelles elles tentent de s’engouffrer.
C’est en tout cas mon sentiment et mon point de vue en tant qu’élu local qui a toujours vécu ici et arpenté la Seine-Saint-Denis. Mais sans doute celui-ci est-il moins vendeur que celui de celles et ceux qui ne cherchent qu’à rabaisser ce territoire et ses habitants qui cherchent à s’en sortir, pour faire parler d’eux au JT et être en « top tweet » sur les réseaux sociaux.
(Photo AFP)
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