La canicule aussi, c’est politique !
Publié le jeudi 27 juin 2019
Alors que notre pays affronte une vague de canicule sans précédent, il est grand temps que nous tirions collectivement les leçons politiques d’un tel événement. Les températures de cette semaine nous invitent à un constat limpide : notre pays n’est aujourd’hui pas prêt à faire face aux vagues de chaleur qui s’annoncent.
Si l’ensemble des administrations publiques prennent des mesures d’urgence pour atténuer les effets du pic de chaleur, elles n’auront bientôt pas plus d’effet qu’un pansement sur une jambe de bois.
Paris verra sa température augmenter en moyenne de 2 à 4°C dans les prochaines décennies, sans parler des prévisions de Météo France qui annoncent des canicules plus longues et plus intenses dans les années qui viennent.
Nous devons donc prendre des mesures structurelles d’urgence pour ne pas laisser les populations enfermées dans des îlots de chaleur urbaine.
Sur ce sujet-là, comme sur tant d’autres, ce sont les catégories populaires qui sont les plus touchées.
Qui se souvient que la Seine-Saint-Denis a été le second territoire le plus touché, en nombre de vies humaines, par la canicule en 2003 ? C’est dans notre département que se concentrent les poches d’habitat dégradés qui sont livrées au froid en période d’hiver, mais également fortement perméables aux vagues de chaleur l’été.
C’est en Seine-Saint-Denis que la mobilité est la plus polluante, les transports en commun trop rares et le choix de l’automobile souvent contraint. Cette situation a des conséquences graves sur la santé des habitant.es et ne recueille en général qu’une indifférence polie.
Nous verrons plutôt cette semaine des caméras braquées sur la tour Eiffel perdue dans les particules fines sous l’effet du pic de pollution, rarement sur les logements mitoyens de l’A3 ou de l’A1.
Par la situation économique de ses habitant.es, par sa situation géographique et par son fort tissu urbain, la Seine-Saint-Denis incarne la nécessité d’allier la mobilisation face à l’urgence climatique à la lutte contre les inégalités sociales.
Notre département et les villes qui le composent disposent d’atouts notables dans ce combat pour adapter nos villes au réchauffement climatique et de les rendre respirables.
Les 1800 hectares d’espaces verts disponibles dans notre département sont le terreau de la ville de demain. Une ville qui saurait reconnaître la richesse de sa biodiversité et l’importance de la création et la préservation de trames vertes et bleues sur l’ensemble du territoire.
Le verdissement de la ville doit également aller de pair avec le verdissement du bâti. Les 500 000 climatiseurs vendus en France chaque année font partie de ces actions prises dans l’urgence qui aggravent un problème qu’ils sont censés résoudre. Il faut accompagner la transition thermique du bâtiment non seulement dans l’ancien, mais également dans le neuf. Modes de construction, choix des matériaux, usages du quotidien, c’est toute une filière qu’il faut accompagner pour éviter la multiplication des passoires thermiques d’hiver comme d’été.
Enfin, la mobilité dans les grandes agglomérations doit être complétement redéfinie en commençant par les transports en commun. Le Grand Paris Express, les nouveaux tramways et les prolongements de métro sont autant d’investissements publics qui vont dans le sens d’une mobilité douce et durable. L’ambition, et même le bon sens économique comme écologique, commanderaient de porter les services dans tous les quartiers populaires au même niveau de ceux des cœurs d’agglomération.
Nous le voyons, sur ces priorités, verdissement de la ville, verdissement du bâti, développement d’une offre de transport en commun digne de ce nom, des investissements publics massifs sont nécessaires.
La multiplication des épisodes de chaleurs intenses doit nous faire prendre conscience d’un paradoxe saisissant : alors que l’adaptation de nos villes aux chocs climatiques est cruciale pour préserver notre qualité de vie, les collectivités territoriales n’ont jamais été autant contraintes financièrement par des règles budgétaires qui n’ont plus aucun sens au regard des enjeux actuels.
Le coût de l’inaction est de plus en plus élevé et pèse d’abord sur les catégories populaires. Or, les volontés, les idées et les projets sont là pour, enfin, dessiner une ville à l’abri du chaos climatique annoncé.
L’échelon local est en première ligne pour mettre en œuvre la transition écologique quand les États se contentent la plupart du temps de la mettre en mots. De la Californie, à Copenhague en passant par Paris, l’enjeu global de la lutte contre le réchauffement climatique repose essentiellement sur des épaules locales. Ainsi, elles sont à la pointe pour adapter leurs missions et leur espace public.
Fort.es de cette prise de conscience collective, nous attendons donc le soutien plein et entier du gouvernement, car ni les grands discours planétaires, ni les slogans à la mode n’ont jusqu’ici répondu à ce grand défi du XXIème siècle.
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