Non à l’article 24, non au racisme et aux violences dans la police
Publié le vendredi 27 novembre 2020
Nous avons toutes et tous été témoins cette semaine d’images d’une brutalité inouïe. Dans la nuit de lundi, des forces de l’ordre ont sorti de leurs tentes des personnes réfugiées et ont eu des comportements violents et inappropriés vis-à-vis de membres d’associations et de journalistes venu.e.s manifester pacifiquement sur la place de République. Samedi, un homme a été passé à tabac par des fonctionnaires de police, et n’a dû son salut qu’aux images de vidéo-surveillance de son propre local.
Ces images, qui sont celles d’un déferlement de violence, nous aurions pu ne pas les voir si les dispositions de l’article 24 du projet de loi dit « de sécurité globale » étaient déjà entrées en vigueur. Ironie totale, cet article, qui réprime la diffusion d’images d’un.e policier.e si elles ont pour but « manifeste » d’attenter à son « intégrité physique ou psychique », était adopté dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale cette même semaine. Et ce, malgré l’opposition de plusieurs représentant.e.s du peuple, inquiet.e.s des dérives portées par ce texte que beaucoup qualifient de liberticide.
Mardi matin également, paraissait un rapport de la Défenseure des droits Claire Hédon, revenant dans le détail sur « l’affaire Théo » et dénonçant « l’accumulation des manquements » à la déontologie policière, demandant des « poursuites disciplinaires » à l’encontre des quatre policier.e.s ayant violemment agressé le jeune homme en février 2017, le laissant handicapé à vie.
L’implacable succession de ces faits montre assurément des dysfonctionnements graves au sein de la police, mais aussi et surtout le déni d’un pouvoir politique qui refuse d’ouvrir les yeux sur les vices qui la rongent de l’intérieur. Mais, avec l’approbation de la loi « sécurité globale » et de son article 24, si plus personne ne peut filmer ou photographier pour témoigner, comment pourrons-nous en connaître, et demander des comptes aux responsables ?
Serait-ce possible que nous soyons sur une pente à ce point glissante, que nous éloignions peu à peu des principes sur lesquels repose notre démocratie actuelle, à savoir la liberté de la presse, la transparence de l’État et la garantie de contre-pouvoirs ?
Faut-il que Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et d’autres grands sportifs dénoncent publiquement ces faits pour enfin prendre la conséquence de ces actes qui nous déshonorent collectivement ?
Ce qu’il se passe est grave, et comme le dit l’écrivain Nicolas Mathieu, « La pente est mauvaise, quoi qu’il en soit. » J’exhorte nos représentant.e.s à ouvrir les yeux sur ce qu’il se trame. Il est plus qu’urgent de mettre fin à l’impunité et au racisme chez certain.e.s policier.e.s.
Il n’est pas trop tard pour agir afin de construire, ensemble, un service public de la police digne de la confiance de tou.te.s les citoyen.ne.s, et digne de notre démocratie. Cela demande bien sûr un courage politique bien au delà des coups de menton médiatiques du ministre de l’Intérieur, lesquelles ne convainquent aujourd’hui personne.
Les fonctionnaires de police sont d’abord au service de la population, et c’est dans cette optique qu’il faut envisager une réforme de ses moyens, lacunaires dans les territoires les plus criminogènes, de sa formation, et de ses modes d’intervention que nous devons aujourd’hui nécessairement questionner voire refuser.
Dire cela, ce n’est pas jeter l’opprobre sur tou.te.s les policier.e.s, qui dans leur grande majorité font leur travail avec sérieux et engagement autour des valeurs de la République, mais c’est permettre justement de sauver leur honneur et de promouvoir l’exemplarité d’une police qui doit être profondément républicaine. Cela implique qu’elle bannisse le racisme et la violence disproportionnée et donc illégitime en son sein.
C’est en réunissant l’ensemble des acteur.trice.s concerné.e.s, fonctionnaires de police, chercheur.se.s, associations, élu.e.s locaux.ales, nationaux.ales et citoyen.ne.s, que nous pourrons converger vers des rapports entre la police et la population à la hauteur d’une démocratie comme la nôtre.
Photo utilisée : Une de Libération du vendredi 25 novembre 2020
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