17 octobre 1961 : Sortir durablement du déni mémoriel. Ma tribune dans le HuffPost
Publié le lundi 18 octobre 2021
Ce dimanche, nous avons commémoré les soixante ans de la répression du 17 octobre 1961. A cette occasion, j’ai annoncé le lancement d’un nouveau cycle départemental de travail autour de ces événements dramatiques, notamment dans les collèges. J’ai aussi rappelé la nécessité d’aller plus loin dans la reconnaissance par la République de ces crimes, avec l’instauration d’une journée nationale dédiée. Car il est urgent que la France sorte enfin durablement du déni mémoriel. J’ai signé une tribune dans le Huffington Post à cette occasion.
En septembre 2018, la reconnaissance par Emmanuel Macron de la responsabilité de la France dans la mort de Maurice Audin, militant de la décolonisation assassiné par l’armée française, avait permis de nourrir des espoirs. Après le premier pas fait par François Hollande en 2012 – il avait parlé en 2012 des “souffrances de la colonisation”, avec notamment les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, ainsi que de l’usage de la torture dans les rangs français – nous nous acheminions un peu plus vers la reconnaissance des crimes commis pendant la guerre d’Algérie, et plus largement des atrocités de la colonisation.
En parlant, vis-à-vis de l’Algérie, d’une prétendue “rente mémorielle”, le Président de la République a fait deux pas en arrière. Il a surtout prouvé avec fracas à quel point propager ce type de pensée est non seulement contre-productif, mais peut devenir dangereux. Car, non, le devoir de mémoire n’est pas une rente ni un abaissement, mais bien une condition du mieux vivre ensemble dans notre société.
Ce samedi, Emmanuel Macron s’est semble-t-il finalement décidé à refaire un pas en avant, en reconnaissant des “crimes inexcusables pour la République” et en déposant une gerbe près du Pont de Bezons, où la répression du 17 octobre 1961 a là-aussi tué. Tant mieux !
L’histoire de toutes et tous
Il est désormais impératif d’en finir avec cet “en-même-temps” variant en fonction des publics et des auditoires, et d’entrer durablement dans l’âge de la maturité mémorielle. C’est à cette seule condition que nous pourrons poser durablement des actes pour permettre à la France et à l’Algérie de regarder leur passé en face, et de mieux envisager leur futur ensemble.
Car, au fond, l’erreur consisterait à croire que la mémoire de la guerre d’Algérie ne concerne qu’une génération de personnes qui auraient connu ces crimes, ou les auraient vécus de près, avec cette idée selon laquelle on ne pourrait pas en parler sans porter atteinte à telle ou telle partie de la population française. Je crois au contraire que cette histoire appartient à toutes celles et ceux qui vivent dans notre pays.
Le rapport particulièrement éclairant de l’historien Benjamin Stora, avec des propositions à la fois fortes et sensées, doit maintenant être suivi d’effets dans sa globalité. Mettons en avant les faits, précis, reconnaissons les discriminations et les exactions dont ont été victimes les populations algériennes. Rendons hommage aux grandes figures du combat algérien pour l’indépendance.
Faisons entrer au Panthéon Gisèle Halimi, immense avocate et militante contre la guerre et pour l’indépendance de l’Algérie. Je regrette que le président Macron y ait pour le moment renoncé, et je crois fermement que la “panthéonisation” de celle qui est à la fois un symbole de l’anticolonialisme et du féminisme serait un signal très fort, notamment pour les jeunes générations.
Accordons, dans les programmes scolaires, plus de place à l’histoire coloniale de la France en Algérie, en généralisant cet enseignement à l’ensemble des élèves. Donnons aux rues de notre pays des noms de Françaises et de Français aux parcours particulièrement remarquables et issu·e·s des anciennes colonies françaises.
La construction d’une mémoire commune et apaisée
Exigeons, comme je le réclame depuis des années, la création d’une journée nationale de commémoration de la guerre d’Algérie et des crimes de la décolonisation.
En Seine-Saint-Denis, département fortement marqué par les événements du 17 octobre 1961, nous prenons déjà toute notre part à l’effort de commémoration. Dès 2018, nous avons été le premier Département à mettre en place un cycle durable de commémorations, avec des tables-rondes d’historien·ne·s, des ateliers avec des collégien·ne·s et des usager·e·s de centres sociaux, des projections de films. En 2021, pour le soixantième anniversaire du 17 octobre 1961, nous allons renforcer ces actions en multipliant les projets éducatifs dédiés, en faisant davantage encore pour que l’art et la culture concourent à l’information et la transmission auprès du plus grand nombre.
Soixante ans après, je formule le souhait que le président de la République engage enfin notre pays dans la construction d’une mémoire commune et apaisée. Car comme le disait Alexis de Tocqueville, “quand le passé n’éclaire plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres”.
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