En ce 1er mai, disons haut et fort : « non à la retraite à 65 ans ! »
Publié le samedi 30 avril 2022
Le 24 avril dernier, notre pays a évité le pire en mettant en échec Marine Le Pen dans les urnes. C’est un soulagement mais le score de l’extrême-droite n’a jamais été aussi élevé en particulier chez les catégories populaires des petites villes et des campagnes. Cela montre l’ampleur de la fracture sociale et territoriale qui traverse notre pays.
Il y a donc aujourd’hui nécessité absolue de recoudre notre tissu social, déchiré par des décennies de politiques libérales. Or, sur ce plan, une mesure du programme d’Emmanuel Macron a, à juste titre, cristallisé les inquiétudes : le report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 65 ans.
Mettons de côté les fausses concessions et rétropédalages obscurs durant la campagne – « ce sera 64 ans mais le cap reste 65 ans » – qui sont apparues pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire de grossières manœuvres pour noyer le poisson. Le fond de l’affaire est que cette mesure est un recul historique de nos droits sociaux.
L’histoire du progrès social est fait de diminutions historiques et successives du temps de travail. En 1945, la Sécurité sociale naissante permettait à tou.te.s les salarié.e.s du secteur privé de partir à 65 ans. François Mitterrand l’avait fixé à 60 ans en 1982, compte tenu de l’âge précoce d’entrée dans la vie active et de l’espérance de vie des ouvrier.e.s. En 2010, pour la première fois, la tendance s’inverse avec Nicolas Sarkozy, qui le repousse à 62 ans.
Le gouvernement de gauche en 2012 rétablit la retraite à 60 ans pour les « carrières longues », les personnes ayant commencé à travailler jeune.
Avec cette réforme, Emmanuel Macron veut reculer de 3 ans – revenant de fait sur des décennies de progrès depuis l’après-guerre.
L’argument inlassablement invoqué pour justifier cette mesure est l’allongement de l’espérance de vie. « Nous vivons plus vieux, donc nous devons travailler plus longtemps ». C’est oublier que, si nous vivons plus longtemps, c’est aussi parce que nous travaillons moins longtemps et que les corps et les esprits sont moins usés, donc nous avançons dans l’âge en meilleure santé.
Cet argument occulte en outre l’ampleur des inégalités sociales face au vieillissement : l’écart d’espérance de vie entre un.e cadre et un.e ouvrier.e est de plus de six ans. Plus glaçant encore : à 62 ans, un quart des 5% les plus pauvres sont déjà décédé.e.s ! Le président de la République peut bien répondre que la pénibilité au travail sera prise en compte : comment faire confiance à ce dernier qui, en 2017, s’est empressé de supprimer quatre critères de pénibilité aussi pertinents que le port de charges lourdes ou les postures pénibles ?
En réalité, reporter l’âge légal de la retraite à 65 ans ne conduira pas à un « partage » des gains de l’espérance de vie entre la retraite et le travail, mais à une diminution d’en moyenne un an et demi du temps de vie passé à la retraite. Une personne née en 1975 se retrouvera ainsi avec une retraite plus brève que les 45 générations qui l’ont précédée. Curieuse conception du « progrès social ».
Pourquoi un tel recul ? Comme trop souvent, la régression sociale se drape dans les habits d’un soi-disant « sérieux budgétaire ». Battons immédiatement en brèche une idée reçue : il n’y a aucun problème de déficit de notre système de retraites qui, dans le scénario le plus pessimiste resterait stable, et dans les scénarios plus optimistes pourrait disparaître de lui-même dès 2030. Emmanuel Macron l’a répété lui-même durant le débat d’entre-deux tours : sa proposition de retraite à 65 ans a pour objectif de « commencer à rembourser la dette sous ce quinquennat ». Est-on prêt.e.s à accepter une nouvelle mesure austéritaire visant à réduire les dépenses publiques sur le dos des futur.e.s retraité.e.s ?
Dans cette histoire, s’il faut sauver quelque chose, c’est le niveau des pensions de retraite. Les projections du conseil d’orientation des retraites annoncent, avec ou sans report de l’âge légal, une baisse continue du niveau de vie des retraité.e.s. Celui-ci pourrait redescendre, d’ici quelques décennies, au niveau auquel il était dans les années 1980 ! C’est la conséquence de l’ensemble des réformes d’économies budgétaires prises depuis les années 90, qui visent à ne pas dépenser plus d’argent dans notre système de retraites alors même que le nombre de retraité.e.s va exploser. Sous des dehors techniques, la réalité est simple : si plus de personnes doivent se partager un gâteau qui reste identique – voire qui diminue – la part de chacun.e va mécaniquement diminuer – et donc les pensions baisser.
L’urgence d’une réforme des retraites n’est donc pas d’augmenter l’âge légal de départ mais de lutter dès maintenant contre ce mouvement de paupérisation des retraité.e.s qui s’annonce dans les décennies à venir. Cela passe par augmenter la part de la solidarité qui est consacrée aux personnes âgées, à travers les cotisations vieillesse, mais aussi via les politiques de prise en charge de la dépendance, où beaucoup reste à faire comme l’a tristement illustré le scandale des EHPAD Orpéa.
Nous devons aujourd’hui nous poser la question du modèle de société que nous voulons. Celui de la retraite à 65 ans, dans lequel il faudrait travailler toujours plus longtemps ? Ou celui du progrès social, des combats pour gagner du temps sur le travail et de la prise en compte de nouveaux impératifs écologiques ?
Dès ce dimanche 1er mai, date symbolique pour les droits des travailleuses et des travailleurs, disons haut et fort « non » à l’injustice de la retraite à 65 ans !
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