40 ans de la marche pour l’égalité et contre le racisme – mon discours
Publié le lundi 4 décembre 2023
A l’occasion du 40ème anniversaire de la marche pour l’égalité et contre le racisme, nous avons dévoilé samedi 2 décembre 2023 une fresque monumentale à La Courneuve pour commémorer cet évènement majeur. Retrouvez ici le discours que j’ai prononcé à cet évènement.
Monsieur le Maire, cher Gilles
Madame la députée chère Soumya, Madame la sénatrice chère Corinne,
Mesdames les conseillères départementales déléguées, chère Zainaba, chère Oriane,
Monsieur le Premier Maire-Adjoint cher Oumarou,
Mesdames messieurs les élus,
Cette présence nombreuse des élu.e.s montre l’importance que nous accordons à cette initiative.
Chère Mimouna Hadjam, Cher Toumi Djaidja, Cher Dominique Sopo, Chère Aya
Il y a 40 ans, ils étaient une petite quarantaine de fils et de filles d’immigrés – comme on le disait à l’époque – à quitter Marseille pour se lancer dans une marche qui allait réveiller la société française.
Ils étaient au départ une poignée, qui avaient vécu dans leur chair les petites ou grandes humiliations de leurs parents, qui eux-mêmes avaient subi des agressions racistes, et qui s’élançaient pour crier à la face du pays leur soif l’égalité et de justice.
Ils partirent le 15 octobre 1983, presque dans l’indifférence. Sept semaines plus tard, le 3 décembre, 100 000 personnes les attendaient dans une immense manifestation à Paris.
Parmi ces enfants de France à l’origine de cette marche, il y avait un gamin de Vénissieux, du quartier des Minguettes, qui avait été grièvement blessé par le tir d’un policier : Toumi Djaidja. Il est avec nous aujourd’hui et je veux le remercier pour sa présence et saluer celui qui fût l’un des leaders charismatiques de de cette marche.
C’est Toumi Djaidja qui lança à la tête du cortège ces mots qui résonnent encore aujourd’hui : « Bonjour à la France de toutes les couleurs ! » Oui, une France de toutes les couleurs, mais qui refusait encore de voir en face son visage multiple.
Cette marche, ce fut donc ce moment où toute une génération sort de l’invisibilité, s’affirme et revendique sa place pleine et entière dans notre pays.
Cette marche, au-delà d’être un cri de colère contre les crimes racistes, était aussi, comme le dira plus tard Toumi Djaidja, une déclaration d’amour. Oui, elle était un appel puissant, courageux, plein d’espérance, à la République, pour qu’elle accomplisse pleinement sa promesse d’égalité, pour qu’elle reconnaisse tous ses enfants, sans distinction.
Et cet appel rencontra un écho sans précédent dans le pays. La marche fait partie de ces grands épisodes de fraternisation, de communion du peuple français, par-delà les origines, les religions réelles ou supposées, les couleurs de peau.
C’est cet évènement fondateur que nous commémorons aujourd’hui avec cette fresque. Il ne doit pas sombrer dans l’oubli, disparaître dans l’amnésie collective. Il doit rester vivace dans nos mémoires et transmis aux jeunes générations. Parce que le message qu’il porte a plus que jamais son importance.
Car où en sommes-nous quarante ans plus tard ?
Il y a quelques mois, Nahel,17 ans, était tué par un policier à Nanterre, déclenchant une vague d’émeutes dans de nombreuses villes de France.
Il y a quelques jours, une bande de nervis fascistes se livrait à une expédition punitive dans un quartier de Romans-sur-Isère, encouragée par une extrême-droite qui a instrumentalisé de manière odieuse l’assassinat d’un jeune homme. Encore hier soir, au cœur de Paris, face à notre Panthéon national, les mêmes criaient leur haine raciste et antisémite.
Nous voyons en effet, de plus en plus, se libérer une parole de haine raciste décomplexée, en roue libre. Nous observons la dédiabolisation de l’extrême-droite, du Rassemblement National, dont le fond est pourtant resté le même. Nous constatons aussi avec effarement la porosité de ses idées dans le reste du champ politique.
Et ces paroles, elles ont un effet. Parfois dramatique, le passage à l’acte, mais aussi les discriminations qui perdurent dans le monde du travail, dans les relations avec la police, dans l’accès au logement, à la justice, à la santé, à l’éducation. C’est ce qu’attestent des enquêtes sociologiques, des testings réalisés par des associations ou encore des rapports officiels comme ceux du Défenseur des droits.
Alors, je ne veux pas brosser un tableau apocalyptique, verser dans la complainte victimaire. Nous toutes et tous, qui venons de Seine-Saint-Denis, savons tout ce que les enfants et petits enfants de France apportent à ce département, à ce pays. Nous connaissons la quantité innombrable de réussites éclatantes ou de succès plus discrets, de trajectoires fulgurantes ou de vies de travail plus modestes à se faire une place ici.
Mais force est de constater qu’il reste du chemin à parcourir pour que la République soit à la hauteur de sa promesse dans les quartiers populaires, celle d’offrir à chacun de ses enfants les mêmes possibilités d’émancipation, de réussite, de travail digne.
Le combat pour l’égalité et contre le racisme doit donc se poursuivre.
C’est un combat que porte le Département de la Seine-Saint-Denis, au quotidien, à travers l’ensemble de ses politiques. Cet engagement s’incarne notamment dans la création en novembre 2021 de notre Observatoire des discriminations et de l’égalité.
Mais, pour être efficace, la lutte doit être aussi conduite à une autre échelle. L’Etat doit prendre ses responsabilités.
C’est pourquoi, avec d’autres, je lance ce dimanche un plaidoyer, pour appeler l’Etat à mettre en place une série de mesures concrètes, aux côtés des acteurs locaux, afin d’engager une politique d’ampleur contre le racisme et les discriminations.
Et ce combat se mène aussi à travers l’art, la culture qui touche les cœurs, agite les consciences, met en mouvement les émotions. C’est le sens de cette fresque monumentale, que le Département a voulu et financée
Je veux ici saluer le formidable travail réalisé par le peintre, Ernesto Novo, habitant de Saint-Ouen, aux côtés de l’association l’Ecluse.
Bravo pour cette magnifique fresque, créée de manière collective, et qui est le reflet sincère de l’esprit de la marche : un mélange d’espoir, de joie, de détermination et de communion. Il émane de cette œuvre une vraie puissance, qui est bien celle qu’ont vécue, je crois, les actrices et les acteurs de cette marche.
Merci à l’association l’Ecluse qui a rendu ce travail possible, merci aux collégiennes et collégiens du collège Poincaré et leur professeur Bertrand Peret pour leur engagement et leur participation.
Merci au cinéma L’Etoile qui accueille les travaux restitués des collégiens.
Cette fresque, c’est finalement retrouver un peu la lueur qu’avait allumée la marche de 1983, celle d’une unité par-delà les différences, celle d’une commune humanité, d’un rêve de fraternité.
Cette lueur ne doit pas s’éteindre. Et c’est pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.
Alors, merci à toutes et tous pour votre présence.
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