Mon discours pour les vœux de La Courneuve
Publié le lundi 22 janvier 2018
A l’occasion de notre traditionnelle cérémonie de vœux à La Courneuve, j’ai prononcé un discours faisant tout à la fois le bilan de l’année écoulée ainsi qu’un rappel sur les échéances à venir. Pour notre Département, pour la Gauche, pour le Parti Socialiste, les enjeux sont de taille et imposent de ne pas céder au fatalisme. En Seine-Saint-Denis, terre d’avenir dont le reste de la France aura à s’inspirer, j’ai donc voulu tenir un discours tout à la fois lucide et plein d’espérance.
Bonjour à tous,
L’année qui vient de s’achever ne fut pas un « long fleuve tranquille » pour nous, hommes et femmes de gauche. 2017, pour la gauche, a ressemblé à une annus horribilis. Défaite cinglante à l’élection présidentielle et aux élections législatives, extrême-droite désormais banalisée qui accède au second tour de l’élection présidentielle, 15 ans après le séisme du 21 avril 2002…
Cette épreuve, cette épreuve du pouvoir dont nous gardons un goût amer, et le verdict sans pitié des urnes, ne peuvent que m’interroger comme tous les militants.
Mais vous me connaissez et vous savez que je n’ai pas pour habitude de céder au défaitisme ou à la résignation. Vous m’avez aidé à accéder à d’importantes responsabilités et cela me conforte tous les jours dans mon action quotidienne. Quand je défends les services publics, quand je défends les territoires populaires, aussi bien sur les plateaux télé et radio qu’auprès d’une association locale, devant la porte d’une école ou à l’ouverture d’une PMI, j’ai constamment en tête les engagements sur lesquels j’ai été élu sur ce territoire et ce que je dois aux habitants de Seine-Saint-Denis.
Il est bon de toujours savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on veut aller. Je suis persuadé que c’est bien la force du collectif qui nous permettra de redonner du sens à la politique, de redonner du sens à la gauche, et que j’ai donc plus que jamais besoin de vous.
Car nous avons fort à faire, ensemble, pour démystifier les caricatures incessantes de notre territoire. A coups de « peuple de Seine-Saint-Denis », de « parler comme des jeunes de Montreuil », de « sont-ils vraiment Charlie ? », certains s’évertuent à peindre notre département aux couleurs de leurs sombres fantasmes. Amalgamer à dessein immigration, banlieues et extrémisme religieux, quand cela vient de l’extrême-droite de Le Pen ou de la droite extrême de Wauquiez, on s’en étonne à peine. Mais quand cela vient du chef du parti majoritaire M. Castaner qui était encore socialiste l’année dernière, voire d’une partie de la gauche, c’est encore plus insupportable et ça suffit !
Je vis ici depuis toujours et crois bien connaître ce territoire et ses habitants. Je sais que la vie y est difficile pour nombre de nos concitoyens, qui subissent mal-logement, chômage ou insécurité. Je sais aussi l’insupportable distinguo qui continue d’être fait trop souvent en fonction de la couleur de peau, de l’adresse, de l’âge, du sexe.
Mais ces difficultés, même importantes, je refuse de les croire insurmontables. Car 2017, ça aussi été l’année d’une grande victoire collective : l’obtention des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 qui se dérouleront en réalité non pas à Paris, mais à plus de 80% en Seine-Saint-Denis. C’est une belle aventure collective mais il faut désormais transformer l’essai pour que ces JOP 2024 soit un vrai accélérateur de bien-vivre pour les habitants. Ici, en Seine-Saint-Denis, nous ne serons pas un alibi de la candidature et nous ne nous laisserons pas voler la victoire : oui les engagements en matière d’héritage doivent être tenus.
Alors, depuis maintenant huit mois, si certains avaient pu douter, les choses sont claires : Emmanuel Macron mène une politique « et de droite et de droite ». Jupiter, du haut de son Olympe élyséen, fait beaucoup tomber sa foudre libérale sur les quartiers populaires et sur les plus faibles, beaucoup moins sur ceux qui vont bien et même très bien. Suppression des emplois aidés et des aides aux associations, massacre du logement social, hausse de la CSG pour les retraités, stigmatisation des personnes privées d’emploi, chasse aux immigrés et « en même temps » cadeaux fiscaux aux ultra-riches : voilà derrière des discours souvent séduisants la réalité brutale du macronisme en marche. Je lui avais proposé que l’État assume enfin sa dette sociale à l’égard de la Seine-Saint-Denis et investisse à nos côtés massivement pour combattre les inégalités : j’attends toujours sa réponse !
Et maintenant, dernière trouvaille du président Macron : transformer le Grand Paris en une métropole des riches en rayant la Seine-Saint-Denis de la carte. Moi, comme beaucoup en Seine-Saint-Denis, j’ai toujours défendu l’idée d’un Grand Paris pour mener des projets et pour combattre les inégalités. Mais qui croira que c’est là le dessein d’une volonté technocratique qui connaît mal les territoires et n’y voit que des dépenses superflues là où il y a des services publics de proximité ? Derrière le mécano, il y a surtout une usine à gaz qui nous fera perdre un temps infini en réorganisations incertaines au moment où nous devrions nous concentrer sur les grands projets qui changeront la vie des habitants. Car dans le même temps, le gouvernement s’attaque au Grand Paris des transports, que tout le monde soutient et attend : et voilà qu’on nous explique que tout cela coûte trop cher, que tout cela est trop complexe techniquement. Mais le métro parisien, il aura fallu 100 ans pour finir de le payer, pourquoi cela ne serait-il pas possible en banlieue ? Derrière le charcutage métropolitain qu’on veut nous vendre, il y a surtout le charcutage des projets et des services publics.
Qui peut croire qu’en coupant la Seine-Saint-Denis en quatre et en cadenassant Paris dans les limites étroites du périphérique on fera progresser le développement équilibré de la capitale ?
Qui remplacera demain le Département pour construire des collèges, gérer les crèches, les PMI, l’aide aux personnes âgées et personnes handicapées, les grands parcs, les routes, la solidarité, les politiques pour les plus fragiles et tant d’autres missions ? Rien qu’ici à La Courneuve, le département va reconstruire totalement le collège Jean Vilar et nous construirons un collège expérimental dans le quartier des Quatre-Routes, nous allons reconstruire la piscine de Marville, poursuivrons le développement du parc Georges Valbon, et nous réaménagerons les 6-routes.
Qui peut croire que si le Département est supprimé les politiques que nous mettons en place lui survivront, au moment où toutes les collectivités sont pressurées au nom de la réduction des dépenses publiques ? Parcours culturels dans les collèges, 19 millions d’euros pour la culture, chèque réussite de 200 euros pour les élèves de 6ème, Observatoire contre les violences faites aux femmes, aides à la rénovation énergétique des logements, tablettes dans les collèges, actions pour la transition écologique : les exemples sont trop nombreux de ce qui font nos politiques de gauche et qui demain seront à coup sûr sacrifiés sur l’autel de la « simplification ».
Non, la Seine-Saint-Denis, ce n’est pas le « vieux monde », c’est au contraire la France de demain. Pourquoi nous mettre tant de bâtons dans les roues plutôt que de nous soutenir ? Il ne s’agit pas de se battre pour un statu quo immuable ou de défendre des places, il s’agit de continuer d’agir pour l’égalité et le développement de la Seine-Saint-Denis.
J’en suis persuadé, la Seine-Saint-Denis est une terre de promesses et d’espérances, dont le reste de la France a beaucoup à apprendre. La Seine-Saint-Denis, c’est une histoire, une identité dont nous sommes fiers et que nous ne laisserons pas balayer d’un revers de main.
Si 2017 a été une année difficile, 2018 sera une année décisive. Je ne sais pas si le congrès du PS à Aubervilliers sera aussi fondateur que celui d’Epinay, mais une chose est sûre : si ce n’est pas le Congrès du sursaut, ce ne sera que le congrès du sursis.
Si nos récentes turpitudes m’ont fait m’interroger, comme beaucoup de militants, je reste néanmoins profondément attaché aux valeurs du socialisme. J’ai donc fait le choix, en conscience, de rester au Parti Socialiste et d’être un acteur engagé de sa reconstruction, pour y porter la voix des quartiers populaires.
Il y a un an, lors de mes vœux, ici même, après des discussions avec plusieurs d’entre vous, je faisais le choix de m’engager pour Benoît Hamon à la Primaire des socialistes. C’était un choix de conviction et il a porté courageusement de grands thèmes qui se poseront à la Gauche pour les années à venir. Je ne vais pas revenir sur les raisons de l’échec qui était finalement écrit d’avance, mais cette analyse nous devrons la mener comme nous devrons mener collectivement l’inventaire des cinq dernières années passées aux responsabilités. Nous n’éviterons pas un inventaire. Nous le devons, aux militants socialistes mais nous le devons aussi et surtout, pour faire preuve de lucidité et d’humilité, à nos concitoyens. Pour redonner confiance, il faut tenir un discours de vérité, comprendre pourquoi ils nous ont tourné le dos. Quelles ont été nos erreurs, pourquoi le peuple de gauche s’est détourné ? Il faut répondre à ces questions.
Un an après, je n’ai rien perdu de mes convictions.
– La conviction d’abord que la Gauche doit sans cesse se repenser et se réinventer en mettant au cœur de son projet – j’y suis attaché plus que tout – l’égalité. C’est là notre ADN. C’est pour cette raison que je récuse ce libéralisme du Président de la République, qui n’est autre que le renoncement face aux inégalités qui ravagent notre société. Finalement, il y a de nouveau un combat idéologique à mener et il faut le dire, nous l’avons provisoirement perdu. Finalement, Emmanuel Macron pense que les réussites individuelles permettront le progrès collectif : c’est la théorie libérale du ruissellement où on arrose le haut de la pyramide. Moi, je crois au contraire que c’est le progrès collectif qui permettra les réussites individuelles et l’émancipation des individus et que c’est par la base et non par le sommet qu’on construit une société solide où le progrès se résume à une vérification simple : nos enfants vivront-ils mieux que nous ?
– La conviction ensuite que nous devons nous remettre au travail pour réaffirmer avec force ce que sont les socialistes. Chaque militant socialiste devrait être capable de répondre en quelques mots à deux questions simples: pourquoi nous engageons-nous ? Pour qui nous engageons-nous ? Oui, nous devons accepter de nous remettre au travail car si nos valeurs sont toujours d’actualité, elles doivent être adaptées aux réalités d’un monde profondément bouleversé. Ce congrès d’Aubervilliers ne sera pas le congrès d’un projet, pas encore, mais il doit être un point de départ avec des objectifs et une méthode. Je vois trois thèmes essentiels que nous devrons aborder : d’abord la relation au travail et notre modèle social, ensuite la transition écologique et enfin la question du récit national et européen que nous voulons construire ensemble.
– La conviction enfin que l’on ne peut pas parler de l’avenir de la gauche sans parler du rassemblement des forces de Gauche. C’est un horizon indépassable si nous voulons une gauche de gouvernement et non une gauche de témoignage. Les socialistes devrons être à la fois capables de s’affirmer dans ce qui fait depuis plus d’un siècle l’originalité de leur mouvement et capables de poursuivre ce dialogue avec le monde associatif, le mouvement social et toutes les autres composantes de la gauche.
C’est avec ces convictions que j’ai dit à Olivier Faure, candidat au poste de premier secrétaire du Parti socialiste qu’il peut être en capacité de rassembler notre famille politique et mener la tâche longue et difficile qui nous attend en tant que socialistes. Pour y parvenir, il est urgent de se rappeler du joli nom de camarade, qui pour moi n’a rien de désuet ou de galvaudé. Il n’y aura pas de débat et pas de travail collectif sans camaraderie. L’esprit de purge ou les combats d’égo n’auront qu’un résultat : un Parti peau de chagrin replié sur quelques bastions locaux. Ce n’est pas ce que je veux pour les socialistes et pour la gauche.
Pour ma part, je porte avec fierté l’étendard d’une Seine-Saint-Denis combative et optimiste et je continuerai.
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