Les trois péchés capitaux des bonnes intentions ministérielles sur la protection de l’enfance
Publié le lundi 14 octobre 2019
Après plusieurs mois de travaux, des groupes de travail (dont un, sur la sécurisation des parcours, que je co-présidais), des attentes immenses de la société civile, des professionnel.le.s et du monde associatif… la « Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance » a finalement été présentée ce lundi. S’il faut admettre que les intentions sont bonnes et les objectifs louables, les moyens évoqués sont largement insuffisants. Sur ce sujet crucial, le gouvernement reste au milieu du gué du fait d’arbitrages budgétaires défavorables et d’une méthode contestable.
Avec 80 millions d’euros, on est loin en effet de la grande cause nationale. L’étude des chiffres est révélatrice du peu d’ambition de ce plan annoncé. En 2018, les Départements ont dépensé près de 8 milliards d’euros pour la protection de l’enfance. Rien qu’en Seine-Saint-Denis, la protection de l’enfance, c’est plus de 300 millions d’euros par an, soit près de quatre fois plus que ce plan censément national !
Par ailleurs, compte tenu du rôle de chef de file des Départements dans la politique de protection de l’enfance, une grande partie des mesures annoncées par l’État reposeront en réalité sur nos épaules. Il en sera ainsi du développement des entretiens de pré-natalité, ou de la systématisation des bilans de santé en maternelle, qui dépendent de nos centres de Protection Maternelle et Infantile.
Et face à cela, outre les quelques millions mis sur la table, quels seront les moyens pour mettre à niveau le droit commun ? Les « stratèges » n’en disent mot. Éducation, santé, handicap, logement : la protection de l’enfance s’appuie sur les services publics de l’État, en souffrance dans la plupart des Départements où les besoins pour protéger les enfants sont importants.
Tout en confirmant le rôle majeur des Départements, ce même gouvernement contraint leurs dépenses qu’il plafonne arbitrairement à 1,2 % depuis le « pacte de Cahors », et refuse de mettre en place les dispositifs de péréquation qui demeurent caducs face à l’augmentation des dépenses de solidarité.
La contractualisation tous azimuts, à laquelle veut à tout prix avoir recours ce gouvernement, n’apparaît pas comme la bonne méthode. Nous avons besoin d’une relation de confiance, dans le respect de la décentralisation, avec les moyens correspondants. Nous avons besoin que, sur des objectifs partagés, l’État nous accorde les dotations complémentaires pluriannuelles nécessaires.
Enfin, alors que c’est un enjeu majeur en protection de l’enfance, on constate que les mineur.e.s étranger.e.s non accompagné.e.s sont les grand.e.s oublié.e.s de la stratégie présentée, alors qu’ils.elles sont des mineur.e.s à protéger au même titre que les autres.
En Seine-Saint-Denis, leur nombre est croissant (+ 40 % en un an), et nous voulons leur offrir un accueil digne, ce qui nous coûte de l’argent ; aujourd’hui, 60 millions sont consacrés aux MNA, et seulement 8% de nos dépenses sont compensées par l’État.
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